Les choses « cachées » appartiennent au Seigneur…

Les choses cachées appartiennent au Seigneur…

Il n’est pas rare que dans les grandes discussions qui opposent Juifs et chrétiens sur toutes sortes de sujets, et même souvent dans les débats opposant les Juifs entre eux, il soit fait référence à la tradition des Pères, au Talmud et ses nombreux écrits.

Certains y attachent une si grande importance que l’autorité qu’ils prêtent à la tradition tend parfois à dépasser celle qu’ils accordent à la Torah elle-même.

À ce stade, il convient de rappeler que la Torah « écrite » a été donnée sur le Mont Sinaï à Moïse (Chémot [Exode] 20), il y a plus de 3000 ans. Cependant, pour beaucoup, une tradition « orale » s’y est ajoutée progressivement. Celle-ci venait accompagner et rendre explicite ou concrète l’application de toutes les lois de la Torah.

Cette tradition, par définition orale, a été transmise de génération en génération jusqu’à ce qu’elle soit mise par écrit dans les premiers siècles de notre ère.

La transmission intergénérationnelle, des pères à leurs enfants, est un principe essentiel dans la tradition juive. Des Sages et maîtres se sont ainsi succédés, communiquant à leurs talmidim(disciples) leurs savoirs et leur sagesse toute pratique dans leur vie personnelle. Ce sont ces maîtres qui, remplissant fidèlement leur mission de « passeur de témoin », ont été par la suite appelés « Pères ».

Pirké Avot est en principe lue dans les semaines qui séparent Pessa’h de Chavouoth. Certains toutefois poursuivent l’exercice jusqu’au début de l’été. En réalité, les maximes des Pèresont leur pertinence toute l’année. Cependant, le défi des commentateurs a toujours été de rendre actuels les enseignements de ces maîtres qui se sont penchés sur de nombreux aspects de la vie quotidienne.

Peut-être que certains parmi les lecteurs du Berger d’Israël s’étonneront que l’on prête une telle attention à certains de ces textes anciens issus de la tradition orale ou talmudique. Leur lecture semble fastidieuse à plus d’un, voire totalement stérile. Certains pensent même que ces textes sont en opposition avec la Brit ‘Hadacha(La Nouvelle Alliance). Or je considère pour ma part que les Sages et maîtres d’Israël ont été avant tout imprégnés de la Torah et, même si certaines de leurs réflexions semblent déconnectées de nos réalités et parfois aussi de l’enseignement essentiel de la Torah ou de la Brit ‘Hadacha, la méditation de leurs conclusions n’est pas forcément une perte de temps, d’autant plus que Yéchoua’, ses disciples et les foules auxquelles ils s’adressaient, connaissaient sans doute une bonne partie de cette tradition orale (avant qu’elle ne soit écrite sur des parchemins). Leur étude peut donc nous aider à comprendre la pensée juive contemporaine à Yéchoua’, voire peut-être aussi la dialectique si singulière du Messie Yéchoua’ ou de ses apôtres, notamment dans l’Évangile qui cite souvent la tradition orale.

Avant d’aborder l’une de ces paroles de sagesse, j’ajoute que celles-ci ne viennent en aucune façon se substituer à l’enseignement de la Torah et son autorité. Pour les sceptiques qui hésiteraient encore, ne serait-ce que lire quelques paroles de la tradition orale, je rappellerai que la Bessorah Tova(l’Évangile) a très certainement été d’abord une tradition orale, bien avant d’être transcrite sur le papier.

Le texte qui nous occupe concerne une jurisprudence en matière de jugement qui peut sembler anodine, mais qui a une portée plus grande qu’on ne peut l’imaginer pour notre foi et notre Salut. La Torah elle-même reflète cette réalité dans le « jugement » porté par Dieu sur chaque israélite et même sur chaque être humain.

Yéhouda ben Tabaï et Chimone ben Chata’h reçurent d’eux. Yéhouda ben Tabaï dit « Ne sois jamais en même temps juge et avocat, et quand les parties se trouvent devant toi, considère-les toutes deux comme coupables ; et quand elles s’en vont, considère–les toutes les deux comme innocentes, lorsqu’elles ont accepté le jugement ».

Pirké Avot (Traité des Pères) Chapitre 1 Mishna 8

Le récit et les personnages se situent durant le règne sanglant d’Alexandre Jannée, roi hasmonéen qui fut maître sur la Judée au tout début du 1ersiècle avant notre ère.

Yéhouda ben Tabaï et Chimone ben Chata’h devaient naturellement succéder à Yéhochoua’ ben Péra’hia et Natal d’Arbéla tous deux décédés. Or le premier n’aspirant pas à un tel poste de responsabilité partit pour Alexandrie. Le second, au risque de sa vie, tint toutefois tête au roi qui eut l’impudence non seulement d’accéder au trône royal, mais aussi d’usurper la place de Grand-prêtre. Ce désordre ne prit fin que par quelques manœuvres singulières et nos deux personnages finirent par occuper leurs fonctions de Sages (président et Nassi) dans le sanhédrin. Cette « organisation » est celle qui perdurera jusqu’à la destruction du Temple à la fin du siècle suivant.

À y regarder de près, on peut se demander si une telle « prudence » dans les jugements ne tient pas à l’expérience de Yéhouda Ben Tabaï qui avait anticipé peut-être les conséquences négatives d’un jugement erroné pouvant le concerner. Son collègue, plus téméraire, avait expérimenté la prison et même risqué d’être exécuté pour bien moins que cela. La tentative du roi de s’approprier l’autorité judiciaire du Grand-prêtre en plus de celle que lui donnait la fonction de roi se reflète-t-elle dans cette maxime à la conclusion d’une évidente sagesse ?

On ne saurait être juge et avocat dans une même cause. En cas d’erreur judiciaire, l’une ou l’autre des parties n’a-t-elle pas nécessairement raison ou tort ? À tout bien considérer, le fait d’être juge en même temps qu’avocat dans une même affaire ne risque-t-il pas d’attirer la colère de la partie lésée par erreur ?

C’est pourquoi le juge doit faire savoir, avant de se prononcer dans une quelconque affaire, que les deux parties en conflit sont toutes deux considérées « coupables ». Et qu’au terme du jugement rendu et de la faute reconnue expiée et payée, les deux mêmes parties sont déclarées « innocentes ». Ainsi, le juge n’a pas à craindre la colère de l’un ou de l’autre plaignant, car, quelle que puisse être la conclusion du jugement, tous ressortent « innocents » du tribunal.

La conclusion du commentateur de la Mishna est intéressante à plus d’un titre. Il fait remarquer que dans le cadre de cette disposition judiciaire, un jugement prononcé et une peine parfaitement accomplie implique une remise à « zéro » effective de la situation d’un condamné. En cas de récidive, le juge ne tient pas compte des éventuelles condamnations passées. Il n’est pas tenu de casier judiciaire récapitulant les délits dans l’histoire du condamné. Le jugement ne porte que sur les faits nouveaux. On peut même affirmer que ce qui relève d’une condamnation passée n’est pas même rappelé.

En ce qui concerne l’accusé, celui qui a expié sa faute retrouve son intégrité complète.(Maïmonide, Hil’hot Sanhedrin, Ch. 23 §10 ; ‘Hochèn-Michpat, Ch. 17§ 10).

Je n’entrerai pas ici dans le débat de ce qu’il convient de faire ou non pour lutter contre la récidive.

Je note seulement que celui qui a expié sa faute est déclaré « juste », comme s’il n’avait jamais rien commis.

Le commentateur fait remarquer que la jurisprudence n’applique pas la même règle pour les faux témoins qui récidiveraient.

Je relève donc que pour le juge, comme pour l’avocat, avant d’entrer dans la salle du tribunal, « tous » sont déclarés coupables, tandis qu’en ressortant, dès lors que la peine est prononcée et la faute expiée, « tous » sont déclarés innocents. N’est-ce pas extraordinaire ? Ce n’est pas vraiment ainsi que nos tribunaux modernes jugent aujourd’hui les prévenus.

Cela étant, la Torah n’affirme-t-elle pas les mêmes choses ? Sans trop nous étendre, voyons ce que dit l’Écriture.

Deutéronome 1.16:

En ce temps-là, j’ai donné cet ordre à vos juges : Écoutez vos frères et jugez selon la justice entre un homme et son frère ou un immigré. Vous ne vous montrerez pas partiaux dans le jugement ; vous écouterez le petit comme le grand ; vous ne craindrez aucun homme, car c’est à Dieu qu’appartient le jugement…

Le jugement des hommes se fait par d’autres hommes dont la charge est de juger avec impartialité dans toutes sortes d’affaires selon la Loi de la Torah. Jusque-là, rien d’exceptionnel sinon le fait que, même dans son annonce, on comprend aisément que ce jugement n’est pas par nature parfait. Le risque de se tromper, de bonne ou de mauvaise foi, est toujours possible dès lors que ce sont des hommes faillibles qui sont arbitres pour d’autres hommes faillibles.

Par ailleurs, la Torah ne juge que des apparences, de ce qui est constatable, des faits et des déclarations qui ne peuvent pas toujours permettre d’établir une vérité absolue. Le rôle des juges humains est donc complexe et difficile. Les erreurs sont, hélas, possibles. En conséquence, le parfait jugement n’appartient qu’à Dieu. Ce que déclare en substance le verset 17.

La Torah serait-elle alors une loi sans objet ? En aucune façon, car Moïse précise bien l’importance du jugement entre les frères et la nécessité de se conformer à la justice prononcée ici-bas par des hommes désignés à cette fonction. Mais il apparaît clairement que le véritable jugement appartient à Dieu, et à Dieu seul. Lui seul ne se trompe jamais.

Dans nos sociétés, il en va de même. Les tribunaux, les juges comme les avocats, arbitrent selon le critère des « apparences », de ce qui relève du monde visible, ce qui résulte du fruit d’une enquête contradictoire. Par conséquent, le fond du cœur de l’homme ne relève pas de leur jugement, car les hommes sont bien incapables de se prononcer sur les pensées secrètes des individus. C’est pourquoi l’Éternel déclare ceci :

Deutéronome 29.9-20

Vous vous tenez aujourd’hui devant le Seigneur, votre Dieu, vous tous, vos chefs, vos tribus, vos anciens, vos secrétaires, tous les hommes d’Israël, vos femmes, toutes vos familles et les immigrés qui sont dans tes camps, depuis ton bûcheron jusqu’à ton puiseur d’eau, pour passer dans l’alliance du Seigneur, ton Dieu, et dans son adjuration, alliance que le Seigneur, ton Dieu, conclut aujourd’hui avec toi, afin de faire aujourd’hui de toi son peuple et d’être lui-même ton Dieu, comme il te l’a dit, et comme il l’a juré à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob. Ce n’est pas avec vous seuls que je conclus cette alliance, cette adjuration, mais c’est avec ceux qui sont ici parmi nous, présents aujourd’hui devant le Seigneur, notre Dieu, et avec ceux qui ne sont pas ici parmi nous aujourd’hui.

Vous savez vous-mêmes comment nous avons habité en Égypte et comment nous sommes passés parmi les nations où vous êtes passés. Vous avez vu leurs horreurs, leurs idoles : c’est du bois, de la pierre, de l’argent et de l’or qu’elles ont avec elles. Qu’il n’y ait donc parmi vous ni homme, ni femme, ni clan, ni tribu, dont le cœur se détourne aujourd’hui du Seigneur (Adonaï), notre Dieu, pour aller servir les dieux de ces nations-là. Qu’il n’y ait pas parmi vous de racine qui produise du poison et de l’absinthe. Que personne, après avoir entendu les paroles de cette adjuration, ne se bénisse lui-même en se disant : « Tout ira bien pour moi, quand même je suivrais l’obstination de mon cœur, en ajoutant l’ivresse à la soif ! » — le Seigneur ne voudrait pas lui pardonner. Car alors la colère et la passion jalouse du Seigneur fumeraient contre cet homme, toute la malédiction écrite dans ce livre se fixerait sur lui, et le Seigneur effacerait son nom de dessous le ciel. Le Seigneur le séparerait, pour le malheur, de toutes les tribus d’Israël, selon toutes les malédictions de l’alliance écrite dans ce livre de la loi.

Et encore plus loin, au verset 28.

Les choses cachées appartiennent au Seigneur, notre Dieu ; les choses révélées nous appartiennent, à nous et à nos fils, pour toujours, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi.

L’Éternel établit une alliance avec son peuple en vertu de laquelle, c’est l’Éternel qui est seul juge des pensées secrètes du cœur. En revanche, les « choses révélées » appartiennent aux hommes et se traduisent par des jugements conformément à la Torah.

Et si l’on peut imaginer aisément des hommes « tromper » les juges en falsifiant les apparences, personne n’échappe au jugement de celui devant qui tout est dévoilé comme dans un livre ouvert.

Mais alors, certains pourraient affirmer avec raison que de ce point de vue, il n’y a pas « d’innocent » devant Dieu. Car qui peut jusque dans ses pensées être parfaitement fidèle à toute la Torah durant toute sa vie ? Assurément personne. Quel sens alors donner à cette alliance contractée entre l’Éternel et le peuple d’Israël si, en réalité, devant le Seigneur, tous sont coupables de transgresser la Torah ?…

N’est-ce pas ce que déclarent nos Sages quand dans notre Mishna, tous ceux qui entrent dans le tribunal sont déclarés coupables ? « L’innocent » comme le « coupable » ?…

Dans la paracha Nasso(Nombres 5), il est évoqué des situations étranges que formellement on a même du mal à imaginer qu’elles se soient produites. La première concerne une épouse qu’un mari soupçonnerait d’infidélité et qu’il ferait comparaitre devant le juge (un sacrificateur). Les eaux de la Sotah(la malédiction) sont bues par la femme qui le cas échéant, si elle a réellement été infidèle, se transforment pour la femme en une déchéance progressive et terrible.

De toute évidence, les juges sont dans une situation difficile ou le doute vient troubler des relations conjugales sans que puisse être établie une culpabilité certaine. Dieu est en définitive l’arbitre ultime de cette affaire. Mais ce qui est étrange, c’est que même si la femme est reconnue innocente, elle sera chargée de sa faute(Nombres 5.31). L’épouse innocente se croyait-elle à l’abri de tout soupçon ?… Estimait-elle sa sainteté au-dessus du raisonnable ? Nous n’avons pas le temps de nous étendre sur cette paradoxale conclusion.

Au chapitre suivant (Nombres 6), à propos du nazir, un individu qui choisit de se consacrer à Dieu en s’imposant de nombreuses contraintes et limitations, au terme de sa période de naziréat, l’homme se doit d’offrir un holocauste pour son péché, sans qu’il soit précisé lequel.

Relisant ce chapitre, très légitimement, le lecteur peut se demander comment un homme qui a agi avec toute l’énergie de sa volonté pour vivre une vie sainte et consacrée peut avoir quelque part commis un péché. Et si celui-ci s’est rendu coupable, que dire de celui qui n’a pas suivi son exemple de consécration ?

Dans l’un comme dans l’autre cas, il apparaît qu’un jugement est prononcé par Dieu sur ce qui n’est pas de l’ordre du visible. Même ceux qui en apparence sont « déclarés » innocents sont en définitive, au regard de Dieu, jugés « coupables ». L’observation stricte de la Torah ne saurait donc satisfaire au regard des juges parmi les hommes la réelle sainteté exigée par l’Éternel Dieu. Et si personne n’est suffisamment saint au regard de Dieu pour être admis en sa présence, par quel sacrifice offert selon la Loi peut-on alors être déclaré « juste » non selon ce que les juges peuvent « voir », mais en rapport avec ce qui n’est visible que de Dieu ?

C’est donc que la justice de Dieu demande un autre sacrifice qui dépasse ce que peuvent offrir les hommes selon la Loi. Certes, le sang d’un agneau ou d’un bouc est pleinement suffisant pour purifier le péché commis par un homme du peuple. Il demeure cependant insuffisant pour purifier les consciences impures des hommes qui s’approchent de Dieu[1].

Il nous faut donc un sacrifice plus excellent pour, selon la Loi, opérer une purification qui ne relève plus des seules apparences, mais qui apporte l’approbation de Dieu sur le plan de la conscience.

C’est en substance ce que dit Yéchoua’ dans son discours sur la Montagne :

Matthieu 5.17 et suivants :

Ne pensez pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les Prophètes. Je ne suis pas venu pour abolir, mais pour accomplir. Amen, je vous le dis, en effet, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota ou un seul trait de lettre de la Loi ne passera, jusqu’à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements et qui enseignera aux gens à faire de même sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux.

Car, je vous le dis, si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez jamais dans le royaume des cieux.

Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre ; celui qui commet un meurtre sera passible du jugement. Mais moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement. Celui qui traitera son frère de raka sera passible du sanhédrin. Celui qui le traitera de fou sera passible de la géhenne de feu.

Si donc tu vas présenter ton offrande sur l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande.

Ici, Yéchoua’ présente la « justice » véritable que Dieu demande. Elle ne consiste pas en celle des apparences comme les pharisiens semblent l’établir. Cette justice-là est jugée insuffisante. La Torah condamne certes le meurtre, mais Yéchoua’ n’affirme rien de moins que celui qui est seulement animé de pensées de meurtreou même d’une insulteà l’égard de son prochain est aussi passible de jugement, voire même de la géhenne, ce qui ne signifie rien de moins que le jugement éternel des réprouvés lorsque tous comparaitront devant le tribunal de Dieu. Autant dire que ce que Dieu demande dépasse l’observation la plus rigoureuse de la Loi. Du reste, la Loi tout entière ne saurait juger des pensées mauvaises des hommes.

Ce n’est donc pas par la Loi que quiconque peut être déclaré juste conformément à ce que Dieu demande.

Ajoutons qu’en préambule, au verset 17, Yéchoua’ rappelle la pérennité de la Loi et sa validité en conséquence de quoi, tous les hommes sont déclarés « coupables ». Le Machia’h ne se contente d’ailleurs pas de l’affirmer. Il ne conclut pas davantage qu’il faudrait mettre au panier l’ensemble de la Torah parce qu’inutileou incapable de justifier un seul individu. Bien au contraire, il invite chacun à être respectueux de la Loi et œuvrer pour l’enseigner à d’autres.

Qu’en conclure alors ? Comment Dieu peut-il être amené à déclarer « juste » une seule de ses créatures corrompues ? Au verset 17, Yéchoua’ déclare que c’est par LUI et LUI seul que la Torah est parfaitement « accomplie ». Or le terme traduit imparfaitement par « accomplir » est ici un mot spécifique en usage dans la dialectique mishnique. Il signifie plus qu’un simple « accomplissement » temporel ou factuel. Il recouvre le fait que Yéchoua’ dans toute sa personne et toute son œuvre donne la signification véritable à toute la Torah écrite.

La mort en sacrifice de Yéchoua’ et son sang versé n’ont de sens que par la Torah et donnent tout son sens à la Torah. Ainsi donc, si le sang des boucs pouvait purifier véritablement les actes coupables de celles et ceux qui s’approchaient de l’autel en son temps, combien plus le sang de Yéchoua’ versé pour tous les hommes coupables agit puissamment aujourd’hui encore pour purifier définitivement les consciences souillées. Car dès lors que les consciences sont purifiées, les actes le sont aussi.

C’est ainsi que Saul, versé dans les Écritures et apôtre du Messie déclare :

Romains 8.1

Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Yéchoua’ le Messie.

Nos Sages donc, bien avant l’avènement du Messie Yéchoua’, ne se sont pas trompés.

Tous entrent « coupables » dans la salle du tribunal de Dieu. Il n’en est aucun qui soit déclaré juste et sans péché. Comme le dit l’Ecclésiaste (7.20) : Non, il n’y a sur la terre aucun homme juste qui fasse le bien et qui ne pèche jamais.

Pour qui donc le dit-il ? Pour Dieu ? Il le sait déjà. Il le dit pour quiconque se croit assez fou pour venir plaider avec ses propres actes de justice.

Et sortant du tribunal, tous sont déclarés « innocents ». En effet, les deux parties ont accepté le sacrifice qui leur donne la paix. Celui-ci ne résulte pas de l’action ou du jugement des hommes, car c’est Dieu seul qui en est à l’origine comme le dit l’Écriture :

Romains 5.8-9.

Mais Dieu prouve son amour envers nous, en ce que, lorsque nous étions encore des pécheurs, le Messie est mort pour nous. À plus forte raison donc, maintenant que nous sommes justifiés par son sang, serons-nous sauvés par lui de la colère.

Que personne donc ne s’imagine aujourd’hui pouvoir s’approcher de Dieu sans un puissant avocat, Yéchoua’ le juste. C’est lui notre rédempteur et c’est par lui que nous sommes déclarés « Justes ».

Guy ATHIA

 

[1]Encore que les commentateurs désignent le « sacrifice perpétuel » (deux agneaux chaque jour, matin et soir) comme signe d’un rachat relatif à la conscience de celui qui s’approche de Dieu (voir BI n° 576, mars 2015).