Questions et réponses de Juifs à d’autres Juifs à propos de Yéchoua’. (BI 587)

Un proverbe affirme que celui qui pose une question paraît stupide un instant, tandis que celui qui n’en pose jamais le reste toute sa vie. Je ne sais pas si cela se confirme toujours dans le quotidien de chacun, mais il est certain que s’agissant de Yéchoua’, Messie d’Israël, les questions et les doutes ne manquent pas, et pas seulement parmi les Juifs.

Très concrètement, c’est surtout de l’ignorance que naissent la plupart des interrogations. Certaines réflexions et affirmations proviennent aussi de préjugés et d’idées reçues sur le Messie. Enfin, toutes sortes d’intrigues impliquant des Juifs et des non-juifs ont ponctué l’Histoire, marquant au passage dans chaque siècle des esprits forts et faibles pour le meilleur comme pour le pire.

Les questions qui suivent ont été posées par des personnes juives n’ayant pas nécessairement accepté Yéchoua’ comme Messie. Elles auraient pu en poser bien d’autres, mais à ce stade, c’est celles-ci qui m’ont été transmises expressément. Sans éluder les sujets les plus difficiles, je préfère dire d’emblée que je n’ai pas forcément de réponses claires et parfaites à toutes ces questions. Du reste, certaines d’entre elles me font poser aussi d’autres questions. Par ailleurs, les limites matérielles du journal ne permettent pas de répondre de façon exhaustive à toutes les attentes. Je m’en excuse à l’avance.

Lorsque l’on aborde la personne de Yéchoua’ (Jésus), il n’existe pas de dialectique imparable qui démontrerait « scientifiquement » le caractère messianique et même divin de Yéchoua’. Et même si une telle démonstration existait, je ne suis pas certain qu’elle emporterait l’adhésion de tous. Les démons croient aussi que Dieu existe(Jacques 2.19), mais cela ne change rien à leur existence.

Notre sujet ne relève pas non plus des mathématiques, de la science ou même d’une connaissance empirique. Pour autant, quoique séparés dans l’histoire par près de 2000 ans, une partie de la réponse est nécessairement basée sur le témoignage de multiples sources, littéraires, archéologiques, etc.

La réflexion est aussi théologique bien sûr, construite sur la base de la foi dans les Ecritures (la Torah et les Prophètes, de même que le témoignage des apôtres dans la Brit ‘Hadacha). L’authenticité et la fiabilité des textes sont elles-mêmes démontrables et beaucoup s’y sont penchés avec rigueur. Tant et si bien que nous disposons aujourd’hui de ressources manuscrites sans commune mesure avec ce dont pouvaient disposer les générations passées.

J’ajouterai aussi une dimension qu’il est difficile peut-être pour le commun des lecteurs d’apprécier. C’est celui du témoignage qui résonne comme une évidence : celui du tombeau vide. En effet, la mort de Yéchoua’, comme celle de n’importe quel individu, aurait dû mettre un terme à l’aventure évangélique des disciples. La parenthèse extraordinaire du premier siècle aurait pu se refermer « naturellement » avec la mort du maître. Certains avaient peut-être même envisagé que le corps du défunt soit vénéré en un lieu unique et soit l’objet d’un pèlerinage pendant des siècles. Il n’en a rien été.

Tous les grands hommes, et a fortioriles messies de toutes sortes, ont connu une issue fatale et ont sombré au fil du temps dans les limbes de l’oubli.

Les patriarches sont morts depuis longtemps et la plupart ont encore des tombes qui peuvent être visitées. Moïse lui-même a rempli son ministère puis s’en est allé. Les prophètes ont tous marqué leur temps puis sont morts, parfois même assassinés. Alors pourquoi Yéchoua’ ferait-il exception ?

Certains objecteront peut-être qu’après la mise au tombeau, les disciples sont allés « voler » le corps pour ensuite faire courir le bruit qu’il était ressuscité. C’était une crainte partagée par les sacrificateurs et les pharisiens. Aussi demandèrent-ils que le tombeau soit gardé et surveillé par des gardes armés. Une première dans ce genre de récit.

Matthieu 27.62-66.

Le lendemain, c’est-à-dire le jour après la Préparation, les grands prêtres et les pharisiens allèrent ensemble trouver Pilate et dirent : Seigneur, nous nous souvenons que cet imposteur a dit, quand il vivait encore : « Après trois jours je me réveillerai. » Ordonne donc qu’on mette le sépulcre sous surveillance jusqu’au troisième jour, afin que ses disciples ne viennent pas dérober le corps et dire au peuple : « Il s’est réveillé d’entre les morts. » Cette dernière imposture serait encore pire que la première. Pilate leur dit : Vous avez une garde ; eh bien, mettez-le sous surveillance comme vous l’entendez. Ils s’en allèrent donc et mirent le sépulcre sous surveillance, en scellant la pierre et en postant la garde.

Toutes les mesures ont donc été prises pour éviter que se construise une « imposture » fomentée par les disciples. Du moins, selon les dires et craintes des chefs religieux de l’époque.

Objectivement, pourtant, une telle crainte était inconcevable. Au cours des heures qui précédèrent l’arrestation de Yéchoua’, aucun des disciples n’imaginait la mort du maître. Elle n’était pas même envisagée comme une option et certains, au moment de l’arrestation dans le jardin, cherchèrent encore à se défendre par les armes (Jean 18.10).

Il n’y a ni anticipation ni préparation d’un quelconque plan B, d’une solution de « secours ».

En réalité, pour les disciples, la mort de Yéchoua’ ne pouvait être que le pire des scénarios.

Au bout du compte, quoique pétris sans doute des meilleures intentions, tous finirent par l’abandonner. La suite est connue et Yéchoua’ ira sur la croix pour y souffrir et pour y mourir.

Nul besoin ensuite d’être un grand psychologue pour saisir l’état dans lequel se retrouvent subitement les disciples. Eux qui avaient tout quitté pour suivre Yéchoua’, leurs situations professionnelles et familiales, leurs amis et même un certain confort économique, les voilà brutalement plongés dans l’inconnu. La présence rassurante du maîtren’est plus. Les espoirs de rédemption et même de libération du peuple d’Israël sont envolés. Les promesses sont oubliées. À présent, ils vivent dans la crainte d’une arrestation et d’un jugement sans appel. Pire peut-être, le mépris et les quolibets de leurs compatriotes commencent déjà à se faire entendre comme un murmure dans leurs têtes. Les plus solides sombrent déjà dans le désarroi, premier symptôme d’une dépression qui les guette.

Vu sous cet angle, il semble difficile d’imaginer que les disciples s’enhardissent pour volerle corps de Yéchoua’ afin de faire croire à sa résurrection. Outre le fait que des mesures avaient été prises pour prévenir une telle initiative, quels disciples se seraient vraiment engagés dans une aventure pleine de risques basée sur un mensonge qu’ils auraient eux-mêmes construit ?

En toute logique, avec la mort de Yéchoua’, la clocheavait sonné pour le dispersement général et le commencement de l’oubli.

Sauf que les choses ne se sont pas arrêtées là. Le tombeau vide n’était pas une supercherie savamment orchestrée par quelques illuminés. Mais même de nos jours, personne ne se laisserait abuser par de simples déclarations verbales sur un tombeau retrouvé vide.

Les indices laissés par l’évangéliste Jean donnent déjà à réfléchir. Outre le tombeau vide, les linges retrouvés et l’absence manifeste du corps posent question. Si la mort de Yéchoua’ n’a manifestement pas été anticipée, et moins encore été envisagée, comment imaginer que l’enlèvement de son corps ait pu faire partie d’un plan quelconque en vue de préparer le mouvement messianique qui suivra ?

L’argumentaire dialectique que je propose ici consiste à poser comme une évidence les questions que personne ne pose, mais qui demeurent incontournables pour une quête de la vérité sur Yéchoua’.

Tout naturellement donc, la mort d’un homme conduit au deuil et àune certaine rupture avec le passé. Or dans le récit évangélique, la mort de Yéchoua’ ne suit cette logique que pendant trois jours. Le matin du premier jour de la semaine, la découverte du tombeau vide plonge soudainement plusieurs hommes et femmes dans la perplexité.

Jean 20.1-10 ; 19-21

Le premier jour de la semaine, Miryam de Magdala vient au tombeau dès le matin, alors qu’il fait encore sombre, et elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court trouver Simon Pierre et l’autre disciple, l’ami de Yéchoua’, et elle leur dit : On a enlevé le Seigneur du tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis !

Pierre et l’autre disciple sortirent donc pour venir au tombeau. Ils couraient tous deux ensemble. Mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau ; il se baisse, voit les bandelettes qui gisent là ; pourtant il n’entra pas. Simon Pierre, qui le suivait, arrive. Entrant dans le tombeau, il voit les bandelettes qui gisent là et le linge qui était sur la tête de Yéchoua’ ; ce linge ne gisait pas avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre lieu. Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi ; il vit et il crut. Car ils n’avaient pas encore compris l’Écriture, selon laquelle il devait se relever d’entre les morts. Les disciples s’en retournèrent donc chez eux.

(…/…)

Le soir de ce jour-là, qui était le premier de la semaine, alors que les portes de l’endroit où se trouvaient les disciples étaient fermées, par crainte des Juifs, Yéchoua’ vint ; debout au milieu d’eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! Quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent de voir le Seigneur. Yéchoua’ leur dit à nouveau : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie.

L’auteur de l’Évangile ne cache pas la difficulté des disciples à croire en la résurrection du maître. Mais qui de nos jours se serait enflammé aussi vite ? Tout porte à comprendre que la résurrection n’avait absolument pas été comprise par les disciples comme faisant partie du « plan divin », de ce que même Yéchoua’ savait à propos de sa mission.

Ce qui vient transformer complètement la situation des disciples, c’est à la fois le tombeau vide et la résurrection de leur maître. L’un comme l’autre n’est pas de leur fait.

Ce « plan » n’est pas le leur, fruit de leur imagination. Ainsi donc, l’aventure, loin de s’achever, ne fait que commencer. C’est ce que nous rapporte le livre écrit par Luc. Le livre des actes des apôtres.

Difficile de croire en cette résurrection ? Assurément. Mais quelle autre option avons-nous ? Si Yéchoua’ n’est pas ressuscité, par quel ressort les disciples ont-ils pu remonter la pente ? Par quelle folie se pourrait-il qu’ils aient échafaudé une fausse résurrection et un mensonge qui les conduiront presque tous à une mort violente ?

S’agissant des témoins, ils ont été si nombreux que cette hypothèse est inenvisageable sérieusement.

1 Corinthiens 15.3-7.

Je vous ai enseigné avant tout, comme je l’avais aussi reçu, que le Messie est mort pour nos péchés, selon les Écritures ; qu’il a été enseveli, et qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures ; et qu’il est apparu à Céphas, puis aux douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois, dont la plupart sont encore vivants, et dont quelques-uns sont morts. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres.

Sans l’ombre d’un doute, il s’est passé quelque chose d’inhabituel. Si un plan machiavélique relève du scénario hollywoodien de série B, aussi incroyable que cela paraisse, le tombeau vide est le témoignage de la résurrection avérée de Yéchoua’.

Les témoins ont été trop nombreux pour en douter et l’engagement total des disciples, jusqu’à la mort, implique une transformation radicale de leur vie qui n’a pu se produire que par la rencontre avec le Messie Yéchoua’ après la résurrection.

Alors bien sûr, le temps a passé et nous sommes aujourd’hui dans l’Histoire loin des évènements rapportés par les Évangiles.

Mais il y a une chose essentielle pour nous à retenir. Le ministère, les souffrances, la mort de Yéchoua’ et jusqu’à l’apparition du Messie qui vient achever de convaincre les disciples, se trouvent prophétisés dans les Ecritures (Jean 20.10 ; 1 Cor. 15.3). Le récit évangélique n’a de sens véritable que s’il vient parachever le plan divin de rédemption pour toute l’humanité en une harmonie parfaite avec les prophéties messianiques énoncées au fil des siècles par de nombreux hommes de Dieu.

Une dernière chose encore avant d’aller plus loin. Si nous ne disposons plus aujourd’hui de témoins directs du récit des Évangiles, il est clair toutefois que le tombeau vide indique que Yéchoua’ est non seulement ressuscité, mais qu’il est vivant et même vivant aujourd’hui.

Les Juifs discutant avec Yéchoua avec véhémence’ affirmaient sans l’ombre d’un doute le caractère éternel du Messie.

Jean 12.34

La foule lui répondit : Nous avons appris par la loi que le Messie demeure éternellement ; comment donc dis-tu : Il faut que le Fils de l’homme soit élevé ? Qui est ce Fils de l’homme ?

Ainsi donc, nous comprenons que Yéchoua’ ne fait pas simplement partie d’une histoire qui se conjuguerait au passé. Le Messie Yéchoua’ ne peut se résumer à l’objet d’un débat entre connaisseurs et intellectuels. Conclure à sa résurrection aboutit naturellement à une autre réalité qui peut radicalement changer nos vies aujourd’hui. Il est toujours vivant maintenant et il nous invite à une relation personnelle avec lui. C’est là l’expérience de beaucoup, y compris de Juifs, qui ont vu leur existence bouleversée et transformée. Incroyable ? Inacceptable ? À vue humaine, une folie certaine.

Et pourtant, la Torah tout entière nous invite à cette relation nouvelle avec Dieu. Les hommes cherchent par toutes sortes de chemins la voie qui les ramènera vers le Créateur. Pour le Juif, c’est une aspiration profonde à goûter à la même foi et la même relation avec Dieu que celles d’Abraham. Et qui n’a jamais voulu être appelé amide Dieu comme le fut le patriarche ?

Au-delà des débats et des discussions contradictoires, le but final reste de connaître Dieu et être réconcilié avec lui par son Messie. Plus que la connaissance, c’est une relation nouvelle et une vie transformée qui attend celui qui ose poser des questions et s’approprier des réponses.

En définitive, on ne risque pas grand-chose à paraître « stupide » qu’un instant.

Parmi les questions récurrentes posées à propos de Yéchoua’, il y en a beaucoup qui portent sur l’historicité et l’authenticité de l’homme et de son message. Après des siècles de débat à ce sujet, rares sont encore celles et ceux qui contestent le caractère historique de Yéchoua’. Même chez les Juifs, ce sujet n’est plus vraiment débattu. On admet même qu’il ait pu accomplir des miracles. En revanche, des doutes subsistent sur ses paroles ou celles de ses disciples. D’où peut-être la question suivante :

Pouvons-nous faire confiance en Jésus (Yéchoua’) ? À propos de ce qu’il a dit et fait.

Derrière cette formulation, suggère-t-on un doute dans les propos mêmes de Yéchoua’ ? Ou plus particulièrement dans la manière dont ils nous auraient été rapportés ? La crédibilité des textes dont nous disposons aujourd’hui est-elle aussi remise en cause ?

Pour ne pas trop nous étendre, il convient de noter qu’à l’époque de la rédaction des textes néotestamentaires (Brit ‘Hadacha) il existait une tradition qui reposait sur une transmission orale importante. En d’autres termes, on apprenait beaucoup de choses par cœur. Les documents écrits étaient peu répandus et longs à réaliser. Ce sont les scribes, copistes de leur état, qui étaient en charge de reproduire les textes de la Torah ou des prophètes. Ils accomplissaient leur travail avec une rigueur exemplaire et selon des méthodes éprouvées. L’étude comparative des textes en notre possession, notamment depuis les découvertes des manuscrits de la Mer morte en 1947, montre combien la transmission du message biblique a été extrêmement soignée. Les spécialistes s’accordent pour affirmer que le texte à notre disposition aujourd’hui est sans doute semblable à ce qu’il était il y a des siècles, voire des millénaires, à plus de 95 %. Les quelques pour centrestants ne concernent pratiquement que des passages non essentiels à la compréhension du message rédigé par les auteurs.

Les paroles de Yéchoua’ ont donc été dans un premier temps apprises par cœur. La rédaction des textes a été plus tardive et par des écrivains aux styles très différents. Cependant, les auteurs ont été, dans leur majorité, soit des témoins oculaires directs, soit des proches de ces témoins. La fiabilité des propos rapportés est donc assez grande. Par ailleurs, s’agissant des Évangiles, il existe quatre récits différents et autant de points de vue selon la vocation et l’intention des auteurs. Matthieu et Marc s’en tiennent à un récit strictement chronologique, précisant les liens avec les prophéties messianiques du Tana’h. De son côté, Luc annonce clairement sa méthode et sa volonté de relater un cursus historique rigoureux. C’est aussi lui qui rédigera le livre des Actes des apôtres, avec tout autant de sérieux. Jean, pour sa part, a une intention plus théologique et rapporte davantage d’entretiens individuels et de situations propres aux disciples.

Les Évangiles se font l’écho bien sûr de la même histoire, mais sans se superposer totalement. Ils sont comme des témoins placés en différents lieux qui n’ont pas retenu exactement les mêmes choses d’un même évènement. C’est ainsi que peuvent apparaître dans les récits des nuances, tout comme nous en relèverions des témoignages d’un même accident de la route.

Quant à savoir si les paroles ou les actes de Yéchoua’ étaient dignes de confiance… voici ce qu’il déclare à ses contemporains : Jean 10.23-25.

Et Yéchoua’ se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon. Les Juifs l’entourèrent, et lui dirent : Jusques à quand tiendras-tu notre esprit en suspens ? Si tu es le Messie, dis-le nous franchement. Yéchoua’ leur répondit : Je vous l’ai dit, et vous ne croyez pas.  Les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi.

Ainsi donc, ce sont les œuvres du Messie qui rendent crédibles les déclarations de celui-ci. Les nombreux miracles accomplis par Yéchoua’ témoignent de son origine et de son lien avec le Père. Mais même à l’époque, le miracle n’était pas suffisant pour convaincre. Certes, beaucoup ont cru à cause du témoignage des actes extraordinaires réalisés par le rabbin venu de Nazareth. Mais pas tous.

Cependant, nous pouvons être certain que si Yéchoua’ n’avait pas fait tous les miracles racontés dans la Brit ‘Hadacha, nous ne serions pas là pour en discuter. Certains, contestant l’origine divine de ses paroles et de ses pouvoirs, l’ont même accusé de chasser les démons par la puissance du diable (Belzébul), Luc 11.15. La réponse de Yéchoua’ est éloquente. Mais si nous croyons que tous les miracles qu’il a accomplis l’ont été par la puissance de Dieu, alors ses paroles sont on ne peut plus crédibles et dignes de confiance.

Vingt siècles plus tard, pour nous qui ne l’avons pas vu agir au milieu d’Israël, il nous dit ceci :

Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! (Jean 20.29.)

Car, même si les temps ont changé, la puissance de Dieu est toujours à l’œuvre par le nom de Yéchoua’.

Qui sont les apôtres qui ont vécu avec Jésus (Yéchoua’) ? Peut-on leur faire confiance ? Est-il préférable de s’adresser à Jésus ? De quel courant Jésus était-il issu ?

Plusieurs questions pour un même sujet. Si la crédibilité des propos de Yéchoua’ repose en grande partie sur les actes miraculeux accomplis devant les foules, il en va de même des disciples devenus apôtres. Ils sont les porte-parole du Messie Yéchoua’ et parlent en son nom, rapportant toutes ses paroles pour le Salut du plus grand nombre.

Il convient de noter que Yéchoua’ est de la tribu de Juda, né à Bethléem, mais ayant résidé une bonne partie de sa vie à Nazareth en Galilée. Le débat est encore relativement ouvert pour savoir de quel courant il était issu, mais beaucoup s’accordent à dire qu’il était du courant des pharisiens, la ligne orthodoxe du judaïsme de l’époque, celle aussi regroupant le plus de Juifs en Judée. Il existait cependant d’autres courants plus ou moins politisés et proches du pouvoir romain. Aujourd’hui comme hier, le judaïsme n’est pas monolithique.

S’agissant des apôtres, ce sont tous des Juifs aux sensibilités très variées. Quelques-uns étaient auparavant disciples de Jean le baptiseur, dont la proximité avec les esséniens est assez probable. D’autres avaient des accointances avec le courant nationaliste des zélotes, ou à l’inverse avec le pouvoir religieux ou politique. Parmi eux, il y avait des pêcheurs professionnels, un collecteur d’impôts, un lévite, etc.

À l’inverse des rabbins qui à l’époque recrutaient leurs disciples dans des milieux très proches, l’équipe de Yéchoua’ est composée de gens aux tempéraments et aux opinions très contrastés. Il en a souvent résulté des disputes. L’unité du groupe ne pouvait tenir que de Yéchoua’ seul.

Si l’on accueille favorablement les paroles de Yéchoua’, celles des apôtres sont de la même manière crédibles et dignes de confiance. Les apôtres ne se sont pas choisis eux-mêmes, mais ils ont été désignés par leur maître. Leur humanité nous rend proches d’eux, mais leur discours vient assurément de Dieu, car ils rendent témoignage de Yéchoua’ à l’œuvre dans leur vie et celle des premières communautés.

D’après le philosophe Michel Onfray, Jésus serait un « mythe ». Qu’en penser ?

Michel Onfray est très connu pour ses émissions philosophiques. Il se dit par ailleurs athée, matérialiste et épicurien. On comprend donc aisément qu’il ne perçoive pas la dimension spirituelle du Messie Yéchoua’ et de sa mission rédemptrice. Pour lui, Yéchoua’ (Jésus) est un « mythe », une histoire et un fantasme qui ne s’appuie sur aucune réalité historique. En conséquence, sa philosophie rejette la notion de miracle et avec elle l’essentiel du récit évangélique.

Laissons-le à ses illusions. Sa « foi » en son athéisme lui impose de ne voir le monde que dans sa matérialité, excluant tout sens de la vie dans une perspective spirituelle. Or la foi en Yéchoua’ ne repose pas uniquement sur des mots, mais sur une réalité des faits et une démonstration de puissance que peu de personnes contestent aujourd’hui, d’un point de vue rationnel et historique. La foi en Yéchoua’ est bien plus recevable que celle d’un athée dans sa négation d’un Dieu souverain et créateur de toutes choses. Ce n’est pas parce que certains nient le monde invisible que celui-ci n’existe pas.

Jésus-Christ est un grand enseignant, mais je ne crois pas qu’il soit Dieu. Par ailleurs, Jésus n’a pas dénoncé ou corrigé ceux qui le déclaraient Fils de Dieu. Que comprendre alors de cette expression ?

L’expression « Fils de Dieu » effraie souvent sans que l’on sache exactement ce qu’elle recouvre. L’évangéliste Matthieu préfère employer le terme « Fils de l’homme ». Or dans la pensée juive de ce temps, l’expression « Fils de l’homme » désigne sans équivoque le Messie annoncé par les prophètes.

Si l’on ne prête attention qu’aux seuls mots, le Fils de l’hommepeut aussi souligner le caractère humain du Messie, son attachement à l’humanité dans sa faiblesse et ses limitations ; une autre manière de rendre explicite la proximité du Messie avec le genre humain. De ce point de vue là, aujourd’hui comme hier, personne ne conteste à Yéchoua’ l’humanité qui a pu être la sienne.

Pour ce qui est de l’appellation « Fils de Dieu », les disciples eux-mêmes ont eu souvent de grandes difficultés à faire le lien entre le Yéchoua’ qui transpirait avec eux sur les chemins de Judée et l’idée qu’ils se faisaient du Fils de Dieu, du caractère divin du Messie qui venait à leur rencontre.

Il faut bien l’admettre, pour nous qui sommes à 2000 ans du récit des Évangiles, c’est encore plus difficile à concevoir. Prendrions-nous aisément un café avec le Messie à la terrasse d’un bistrot tout en considérant celui-ci comme de nature pleinement divine ?

Le créateur de tout l’univers, dont la sainteté dépasse l’imagination, peut-il véritablement s’abaisser jusqu’à partager avec nous une part de notre humanité ?

Objectivement, un homme ne peut se déclarer Dieu sans paraître fou ou illuminé.

Cependant, dans notre contexte et dans la pensée juive, la notion de « fils » associée au « père » met en exergue le lien étroit existant entre les œuvresdu pèreet celles du fils. Ces dernières étant le reflet parfait de celles du père.

La vraie question n’est pas si un homme peut se faire Dieu, mais si Dieu peut se faire homme, si Dieu peut s’approcher de l’être humain sans que celui-ci soit écrasé par la sainteté et la gloire du créateur de toutes choses.

On en oublierait presque que bien avant Yéchoua’, ce genre de situation s’est déjà produit. En effet, Abraham est allé à la rencontre de l’Éternel et d’anges et les a accueillis pour déjeuner.

Genèse 18.1

L’Éternel lui apparut parmi les chênes de Mamré, comme il était assis à l’entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour. Il leva les yeux, et regarda : et voici, trois hommes étaient debout près de lui. Quand il les vit, il courut au-devant d’eux, depuis l’entrée de sa tente, et se prosterna en terre. Et il dit : Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe point, je te prie, loin de ton serviteur. Permettez qu’on apporte un peu d’eau, pour vous laver les pieds ; et reposez-vous sous cet arbre. J’irai prendre un morceau de pain, pour fortifier votre cœur ; après quoi, vous continuerez votre route ; car c’est pour cela que vous passez près de votre serviteur. Ils répondirent : Fais comme tu l’as dit.

Le texte est bien connu et pourtant les rabbanimsont partagés, peut-être même embarrassés par ce récit où manifestement, l’Éternel vient à la rencontre du patriarche sous des traits humains. Le terme « apparut » au verset 1 est en hébreu incontestable et nous amène à comprendre que l’Éternel est bel et bien venu à la rencontre d’Abraham de manière visible. Par ailleurs, le patriarche prend des dispositions qui laissent clairement entendre que les personnages qui viennent à lui ne sont pas de simples voyageurs de passage.

Outre le repas partagé, la déclaration de l’Éternel à propos de Sara et l’indication de son retour ultérieur lors de la naissance d’Isaac posent déjà question. Vient ensuite une petite promenade en direction de Sodome et une partie de la délégation vient à quitter Abraham pour une mission que l’on découvre au chapitre suivant au sujet de Loth. Pendant ce temps, l’Eternelresteauprès d’Abraham dans un dialogue et une intercession dont on devine la portée. Finalement, la conclusion du récit est à la fois naturelle et surprenante.

Verset 33.

L’Éternel s’en alla lorsqu’il eut achevé de parler à Abraham. Et Abraham retourna dans sa demeure.

Chacun s’en va de son côté. Comme si le dialogue terminé entre deux amis se concluait par une poignée de main et un au revoir.

Certains pensent que ce récit décrit la visitation d’anges et que l’Éternel qui s’adresse à Abraham est une voix qui vient du ciel. Sauf que le texte ne permet pas d’aboutir naturellement à cette conclusion. Le dialogue a essentiellement lieu entre l’Éternel et le patriarche. En quoi les anges auraient-ils eu besoin de s’attarder pour manger ? A-t-on jamais vu des anges s’attarder pour dîner avec des hommes ?…

J’ai plutôt le sentiment que lorsque les trois personnages s’approchent de la tente d’Abraham, celui-ci « reconnaît » l’Éternel au milieu d’eux et comprend immédiatement ce qu’il a à faire.

Ce n’est pas la première fois que l’Éternel s’adresse à l’homme de Dieu et je pense même que ce dernier a l’habitude de converser avec son Seigneur. La question peut être alors la suivante : qui a-t-il vu véritablement ? Se peut-il que ce soit le Messie incarné ?

Ce qui est en revanche certain, c’estque Dieu est allé à la rencontre du patriarche de manière visible et concrète.

Le texte laisse pour le moins perplexes la plupart des commentateurs juifs. Il nous amène au moins à songer qu’une rencontre sur la terre entre Dieu et l’homme est possible. Et il n’est du reste pas concevable de limiter la puissance de Dieu en lui interdisant ce type d’initiative.

Nous n’avons pas le temps de nous étendre sur les autres textes de la Torah qui mettent en évidence des situations analogues où manifestement, Dieu vient à la rencontre des hommes sur la terre de manière visible.

S’il est déjà délicat d’admettre que Dieu puisse se rendre « visible », il est encore plus difficile de reconnaître en plus de l’humanité du Messie, une dimension divine qui nous échapperait totalement.

Cela explique peut-être pourquoi certains demeurent critiques imaginant l’expression « Fils de Dieu » comme une marque déposée du christianisme ou des disciples de Yéchoua’, à l’opposé du judaïsme. Et pourtant, à ce propos, la Torah et les prophètes ouvrent des portes insoupçonnées.

Prenons en exemple le Psaume 2 qui est unanimement reconnu comme se rapportant au Messie.

Psaume 2 :

1 Pourquoi les nations s’agitent-elles Et les peuples ont-ils de vaines pensées ?

2 Les rois de la terre se dressent Et les princes se liguent ensemble Contre l’Éternel et contre son messie :

3 Brisons leurs liens, Et rejetons loin de nous leurs chaînes !

4 Il rit, celui qui siège dans les cieux, Le Seigneur se moque d’eux.

5 Il leur parle dans sa colère, Et dans sa fureur il les épouvante :

6 C’est moi qui ai sacré mon roi Sur Sion, ma montagne sainte !

7 Je publierai le décret de l’Éternel ; Il m’a dit : Tu es mon fils ! C’est moi qui t’ai engendré aujourd’hui.

8 Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, Et pour possession les extrémités de la terre ;

9 Tu les briseras avec un sceptre de fer. Comme le vase d’un potier, tu les mettras en pièces.

10 Et maintenant, rois, ayez du discernement ! Recevez instruction, juges de la terre !

11 Servez l’Éternel avec crainte, Soyez dans l’allégresse, en tremblant.

12 Embrassez le fils, de peur qu’il ne se mette en colère, Et que vous ne périssiez dans votre voie, Car sa colère est prompte à s’enflammer. Heureux tous ceux qui se réfugient en lui !

Dans ce psaume, comme partout ailleurs, la notion de « fils » de Dieu recouvre plusieurs idées majeures.

La première est d’abord celle d’un titre en rapport avec une mission particulière, notamment pour Salomon en 2 Samuel 7.14 :Moi même je serai pour lui un père, et lui, il sera pour moi un fils. S’il commet des fautes, je le corrigerai avec le bâton des hommes et avec les coups des humains ; mais ma bienveillance ne se retirera pas de lui, comme je l’ai retirée de Saül, que j’ai écarté devant toi.

Salomon, dans sa mission royale, est appelé « fils » de Dieu, devant son peuple.

En d’autres circonstances, c’est le peuple d’Israël lui-même qui est appelé « fils » de Dieu :

Exode 4 : 22 : Tu diras au Pharaon : Ainsi parle l’Éternel : Israël est mon fils, mon premier-né. Je te dis : Laisse partir mon fils, pour qu’il me serve…

Ailleurs encore, ce sont les anges qui sont désignés comme des « fils » de Dieu :

Genèse 6:2 :… les fils de Dieu virent que les filles des hommes étaient belles, et ce fut parmi elles qu’ils choisirent leurs femmes.(Voir aussi Job 1 : 6.)

Enfin, dans un contexte très particulier, le prophète Osée appelle les enfants d’Israël avec cette même expression singulière :

Osée 1 : 10 : Pourtant le nombre des fils d’Israël Deviendra comme le sable de la mer, Qui ne peut ni se mesurer ni se compter ; A l’endroit où on leur disait : Vous n’êtes pas mon peuple ! On leur dira : Fils du Dieu vivant !

Mais s’agissant du psaume 2, unanimement reconnu par tous les commentateurs juifs comme se rapportant au Messie, les versets annoncent clairement l’établissement par Dieu d’un roi qu’il désigne comme son « Fils », Messie d’Israël.

Le texte est cependant troublant par l’usage de termes qui ne semblent pas appropriés à l’idée habituelle que l’on se fait du Messie.

Au verset 7, le verbe « engendrer » est littéralement celui utilisé habituellement pour indiquer une naissance naturelle, ce qui est assez surprenant dans ce contexte. Une naissance « physique » opérée par Dieu étant totalement exclue, les commentateurs ont cherché alors d’autres solutions qui éclairent le lecteur sur le sens de l’expression.

La notion de « Fils » serait alors davantage une sorte de statut, comme lors d’une « adoption ». Le Messie est alors déclaré par Dieu comme son « Fils » adopté, préexistant à la proclamation divine par le psalmiste.

D’autres textes décrivant le même personnage messianique tendent à conforter cette proposition, soulignant au passage les qualités intrinsèquement divines du Messie-Roi à venir.

Psaume 89 : 28 : Et moi, je ferai de lui le premier-né, Le plus haut placé des rois de la terre. Je lui conserverai toujours ma bienveillance, Et mon alliance avec lui sera ferme ; Je rendrai sa descendance perpétuelle Et son trône (aussi durable que) les jours des cieux.

Pour les commentateurs, les qualités divines décrites pour le Roi sont indiscutablement celles du Messie de l’Éternel.

Psaume 72 : 11 :Tous les rois se prosterneront devant lui, Toutes les nations le serviront.

Là encore, c’est le Messie-Roi qui est reconnu par les commentateurs. Ce dernier est même désigné comme l’Éternel lui-même dans le Psaume 83, verset 18, de même que dans le Psaume 86, verset 9.

L’ensemble de ces textes corroborent l’idée que le « Fils » du Psaume 2 est bien le Messie d’Israël, Dieu lui-même.

Un autre détail a son importance au verset 7.

Je publierai le décret de l’Éternel ; Il m’a dit : Tu es mon fils ! C’est moi qui t’ai engendré aujourd’hui.

Le mot Hayôm,en hébreu, est ici traduit par aujourd’hui. Cela pourrait formellement indiquer une limitation temporelle ou pour le moins constituer un indice à opposer à la préexistence du « Fils ». Ainsi, certains ont cru y voir une époque ou le jour précis du « couronnement » du Messie-Roi. Sauf que nul autre passage ne vient appuyer cette proposition.

D’autres font remarquer que le même terme en hébreu désigne dans certains cas, non pas une indication temporelle précise, mais l’éternité elle-même, comme dans Isaïe 43 : 13.

C’est moi qui ai annoncé, sauvé, prédit, Ce n’est point parmi vous un (dieu) étranger ; Vous êtes donc mes témoins — Oracle de l’Éternel : C’est moi qui suis Dieu. Je le suis dès avant que le jour (hayôm) fût

En l’occurrence, un célèbre rabbin du nom de Jonathan Ben Uziel traduisait ce même mot Hayômpar de toute éternité.

En définitive, quoique l’on pense de l’expression « Fils de Dieu », il semble que le Psaume 2 et bien d’autres textes montrent le caractère divin du Messie que Dieu désigne comme son Fils.

Maintenant, même si le judaïsme d’antan reconnaissait le caractère divin du Messie, j’admets volontiers qu’il n’est pas facile de concilier l’humanité de Yéchoua’ en même temps que son caractère divin.

Je n’ai pas répondu à toutes les questions qui m’avaient été posées. Nous poursuivrons donc ce questionnement et la recherche de réponses dans notre prochaine édition.

Il est probable qu’à la lecture de cet article, vous ayez vous aussi des doutes ou des interrogations. N’hésitez pas à nous écrire pour partager vos réflexions.

Guy ATHIA