La circoncision et la foi (BI 583)
Il y a dans l’histoire du patriarche Abraham des signes qui parlent plus que d’autres et qui, contre toute attente, ont même traversé le temps jusqu’à nous. Et aujourd’hui encore, ils sont porteurs d’un message de Salut pour le Juif premièrement, puis pour le non-juif.
Tout au long de sa vie, l’homme de Dieu aura été animé d’un zèle et d’une persévérance peu commune. Son premier pas de foi aura été de quitter son pays et sa patrie d’origine pour un pays qu’il devait prendre en héritage. Le Seigneur lui assure alors une promesse de bénédiction et d’être lui-même une source de bénédiction. Et tandis qu’il est encore sans enfant, Dieu y ajoute une descendance nombreuse. Assurément, la déclaration divine de Genèse 12.3 est le catalyseur d’un ministère qu’Abraham imagine avant tout pour le temps présent, pour sa génération et pour ses contemporains.
Le Seigneur dit à Abram : Va-t’en de ton pays, du lieu de tes origines et de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai. 2 Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une bénédiction. 3 Je bénirai ceux qui te béniront, je maudirai celui qui te maudira. Tous les clans de la terre se béniront par toi. Genèse 12.1-3, 7-8.
La terre qu’il foule et le peuple qui sortira de ses entrailles constitueront des signes visibles et spirituels qui parlent encore aujourd’hui. Aux chapitres 13 et 15 de la Genèse, Dieu réaffirme une promesse que le vieil homme voit peut-être comme une perspective qui le dépasse et qu’il ne verra pas de ses yeux.
Quoique Dieu l’ait déclaré solennellement, la réalisation de la promesse prendra nécessairement du temps et le patriarche n’a pas le recul de l’histoire, comme nous l’avons, pour apprécier à sa juste mesure peut-être ce que signifieront les bénédictions à venir à propos du peuple et de la terre.
Dieu ne le sait-il pas ? Lui qui embrasse l’histoire sans limites. Lui qui ne s’inquiète pas des « ratés » apparents qui surviendront dans la vie des patriarches. Lui qui reste en paix quand Israël connaît une vie spirituelle chaotique, animée de soubresauts incontrôlés. Dieu le sait parfaitement.
Cela étant, Abraham chemine avec le Seigneur et découvre pas à pas le dessein de Dieu. Il foule le pays avec ses pieds et imagine peut-être son clan se multiplier pour s’étendre d’est en ouest et du nord au sud. Ismaël est celui qu’il imagine déjà à la tête du pays après lui.
Mais ce n’est pas là le projet divin. L’alliance concerne une descendance différente, au travers d’Isaac. C’est alors que Dieu donne au patriarche un autre signe associé au fils de la promesse. La circoncision.
Genèse 17.1-14
9 Dieu dit à Abraham : Toi, tu garderas mon alliance, toi et ta descendance après toi, dans toutes ses générations. 10 Voici mon alliance, telle que vous la garderez entre moi et vous — toi et ta descendance après toi : tout mâle parmi vous sera circoncis. 11 Vous vous ferez circoncire dans votre chair ; ce sera un signe d’alliance entre moi et vous. 12 À l’âge de huit jours, tout mâle parmi vous, dans toutes vos générations, sera circoncis, qu’il soit né dans la maison ou qu’il ait été acheté à prix d’argent à un étranger, à quelqu’un qui n’est pas de ta descendance. 13 On devra circoncire celui qui est né dans ta maison et celui qui a été acheté avec ton argent ; mon alliance dans votre chair sera une alliance perpétuelle.
Ce signe, qui se traduit par une empreinte indélébile dans la chair, est désigné comme la marque d’une alliance perpétuelle.
Pour Abraham, âgé de 100 ans, celui-ci est douloureux et marquera son esprit durablement. Mais comment un acte chirurgical aussi singulier peut-il constituer en lui-même une alliance perpétuelle ? Le signe de cette alliance est directement associé à la promesse d’une naissance, celle d’Isaac. C’est lui qui sera porteur de l’alliance et qui sera héritier de la promesse.
Abraham cru a Dieu qui lui donna un fils de Sara. Mais là ne s’arrêtent pas le récit et la vie du patriarche. Dieu met une dernière fois son serviteur à l’épreuve dans ce qui est communément appelé l’Akédah d’Isaac, en Genèse 22, cette demande incompréhensible de Dieu à Abraham d’offrir en holocauste le fils de la promesse. Sans nous étendre sur l’incroyable dimension de ce texte, il en ressort clairement un fait exceptionnel (Genèse 22).
15 Le messager du Seigneur appela Abraham une seconde fois depuis le ciel ; 16 il dit : Je le jure par moi-même, — déclaration du Seigneur — parce que tu as fait cela, parce que tu n’as pas refusé ton fils, ton fils unique, 17 je te bénirai et je multiplierai ta descendance comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est au bord de la mer. Ta descendance prendra possession des villes de ses ennemis. 18 Toutes les nations de la terre se béniront par ta descendance, parce que tu m’as écouté.
L’obéissance du patriarche est présentée comme un « mérite » associé à sa foi dans le Dieu qui a fait la promesse. L’obéissance n’est pas ici aveugle ou insensée. Au verset 18, il est précisé « parce que tu m’as écouté ». Dieu n’avait-il pas annoncé son alliance AU TRAVERS d’Isaac ? En le demandant en holocauste, Dieu n’annulait-il pas sa promesse au patriarche ?
Dans cet épisode inimaginable, l’obéissance de l’homme de Dieu est le produit de sa foi, non d’une manière inconsidérée, mais comme le fruit naturel d’une confiance dans la promesse, très simplement d’une « écoute » de Dieu.
Le Seigneur conclut son alliance sur la base de l’obéissance d’Abraham (verset 16). On peut affirmer que la foi du patriarche est comme un signe au cœur de l’alliance divine formulée en Genèse 17.
Après cette terrible épreuve, Abraham ne sera plus le même. Il comprendra enfin que son ministère va dépasser sa propre vie et commencera à préparer la transmission de l’alliance à son fils.
Ainsi donc, la terre et le peuple sont clairement des signes visibles, des marqueurs de la foi collective d’Israël. L’un et l’autre révèlent le conflit spirituel invisible qui transcende l’histoire de l’humanité.
La circoncision et la foi s’adressent en revanche à l’homme dans son individualité. Ils sont les vecteurs incontournables d’une relation restaurée entre Dieu et l’homme.
La foi d’Abraham est donc le modèle par excellence qui sert de référence et qui est au cœur de l’alliance divine. Il serait en conséquence réducteur de penser que la foi est une manière de voir typiquement « chrétienne », ou à l’inverse, « secondaire », ou d’une importance relative dans l’obéissance aux mitsvoth.
À ce propos, un examen approfondi des derniers chapitres du Deutéronome, en particulier des paroles adressées à Israël avant son entrée en Canaan, est très éclairant.
Deutéronome 28 : 1 et 2 :
1 Si tu écoutes le SEIGNEUR, ton Dieu, en veillant à mettre en pratique tous ses commandements, tels que je les institue pour toi aujourd’hui, le SEIGNEUR, ton Dieu, te placera très haut au-dessus de toutes les nations de la terre.
2 Voici toutes les bénédictions qui viendront sur toi et qui t’atteindront, parce que tu écouteras le SEIGNEUR, ton Dieu :
Et aussi… Chap. 28 : 45 et 47.
45 Toutes ces malédictions viendront sur toi, elles te poursuivront et t’atteindront jusqu’à ce que tu sois détruit, parce que tu n’as pas écouté le SEIGNEUR, ton Dieu, en observant ses commandements et ses prescriptions, tels qu’il les a institués pour toi.
46 Elles seront pour toujours sur toi et sur ta descendance comme des signes et des prodiges.
47 Pour n’avoir pas servi le SEIGNEUR, ton Dieu, avec joie et le cœur content, en ayant tout en abondance,
Ces paroles qui encadrent l’énoncé des bénédictions et malédictions peuvent surprendre.
Ce qui trouble pour le moins les commentateurs, c’est que les malédictions semblent démesurées au regard d’une observation des commandements que chacun reconnait volontiers comme difficile, voire impossible à accomplir de manière parfaite.
De toute évidence et au risque de surprendre, l’observation des mitsvoth n’est pas ici le cœur de l’alliance conclue avec les israélites. Non pas qu’elle soit futile ou sans objet. Elle fixe clairement le cadre d’une société israélite encore en construction.
L’obéissance est présentée comme une conséquence de celui qui « écoute ». Les traductions juives disent « obéir », mais le verbe exact dans le texte est ch’mata, une écoute de la voix de l’Éternel.
Le même verbe fixe le cadre de l’alliance en Deutéronome 6.4 :
4 Écoute, Israël ! Le Seigneur, notre Dieu, le Seigneur est un.
Certains objecteront peut-être que « l’écoute » et « l’obéissance » sont dans nos textes synonymes. D’une certaine façon, « Écouter » doit conduire à « l’obéissance ».
Cela est exact à une nuance près. Je crois que notre texte emploie le verbe ch’ma avec une intention particulière.
Les alliances qui se succèdent dans l’histoire ne s’annulent pas au fil de leur arrivée, comme si Dieu changeait ses plans. Si la foi a été donnée à Abraham comme signe, ce n’est pas pour l’annuler quelques siècles plus tard avec la Loi.
La foi reste au cœur du message réitéré en Deutéronome au peuple, juste avant l’entrée dans le pays de la promesse.
Alors pourquoi le ch’ma est-il mentionné ici en premier comme garant de l’observation de la Loi ?
C’est l’apôtre Paul qui semble l’évoquer à sa façon en Romains 10 : 16 et suivants.
16 Mais tous n’ont pas obéi à la bonne nouvelle. En effet, Isaïe dit : Seigneur, qui a cru ce qu’il nous a entendus dire ? 17 Ainsi la foi vient de ce qu’on entend, et ce qu’on entend par la parole du Messie. 18 Mais je demande : N’ont-ils pas entendu ? Au contraire,
leur voix a retenti par toute la terre,
leurs paroles jusqu’aux extrémités de la terre habitée.
La foi vient donc de ce qu’on entend. La désobéissance est le produit d’une « non-écoute » qui résulte de l’absence de foi.
Paul cite le Psaume 19 qui met en premier l’accent sur le langage invisible de la création qui suscite la foi de celui qui sait « écouter » et recevoir ensuite la parole pour lui obéir. La fin du psaume met en exergue la confiance du psalmiste dans son Dieu pour effacer la faute, même celle qui lui est cachée.
Toujours dans Romains :
19 Mais je demande : Israël ne l’a-t-il pas su ? Le premier, Moïse dit :
Je vous rendrai jaloux de ce qui n’est pas une nation ;
par une nation sans intelligence, je provoquerai votre irritation.
Paul poursuit avec hardiesse son argumentation à la manière des discussions michniques. Il cite ici Deutéronome 32.21 qui met en avant la foi simple d’une nation qui sans la Loi va susciter leur irritation et finalement leur Salut.
La dernière citation est éloquente :
20 Et Isaïe pousse l’audace jusqu’à dire :
J’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas,
je me suis manifesté à ceux qui ne m’interrogeaient pas.
21 Mais au sujet d’Israël il dit :
Constamment j’ai tendu les mains vers un peuple
qui refuse d’obéir et qui conteste.
Ce dernier verset, citation d’Isaïe 65.2, peut être traduit par « qui marche dans une voie mauvaise au gré de ses pensées ».
L’énoncé des malédictions, à y regarder de prés, pose le problème du cœur, des pensées, qui ne peuvent être jugées selon la Loi. C’est donc la foi qui est le moteur d’une obéissance véritable et la foi passe par le ch’ma, une écoute véritable de Dieu, une relation intime avec le créateur, une relation avant tout avec le cœur.
L’observation des mitsvoth sans joie, sans conviction, est contraire à l’intention divine. Elle est le produit vain de nos efforts.
D’autant que Deutéronome 28.45 précise spécifiquement les raisons de l’échec qui a conduit aux malédictions : Pour n’avoir pas servi l’Éternel… avec joie et de bon cœur… en ayant tout en abondance.
Ce n’est pas ici une banalité inconsistante que l’on ne pourrait mesurer et sanctionner comme il convient. La désobéissance a une origine précise, la foi également. La quête d’une obéissance sans la foi est vaine. Elle est un non-sens.
Car le fond du problème ne se situe pas à la surface des choses et des actions de l’homme. La Loi juge de ce qui est apparent, de ce qui est visible. Or la foi met en lumière l’invisible, le cœur de l’homme.
En ce sens, Deutéronome parle au cœur et du cœur comme le siège de la véritable obéissance que Dieu juge lui-même.
14 Ce n’est pas avec vous seuls que je conclus cette alliance avec serment,
15 mais c’est avec ceux qui sont ici parmi nous, présents aujourd’hui devant l’Éternel, notre Dieu, et avec ceux qui ne sont point ici parmi nous aujourd’hui. (…/…)
18 Qu’il n’y ait donc parmi vous ni homme, ni femme, ni clan, ni tribu, dont le cœur se détourne aujourd’hui de l’Éternel, notre Dieu, pour aller rendre un culte aux dieux de ces nations-là. Qu’il n’y ait point parmi vous de racine qui produise du poison et de l’absinthe.
19 Que personne, après avoir entendu les paroles de ce serment, ne se flatte dans son cœur et ne dise : J’aurai la paix, quand même je suivrais (les penchants) obstinés de mon cœur, en ajoutant l’ivresse à la soif.
20 L’Éternel ne voudra pas lui pardonner. Mais alors la colère et la jalousie de l’Éternel s’allumeront contre cet homme, toute la malédiction écrite dans ce livre s’abattra sur lui, et l’Éternel effacera son nom de dessous les cieux.
Chapitre 30 :
4 Quand tu serais banni à l’extrémité du ciel, l’Éternel, ton Dieu, te rassemblera de là, et c’est de là qu’il te prendra.
5 L’Éternel, ton Dieu, te fera revenir dans le pays que possédaient tes pères, et tu en prendras possession ; il te fera du bien et te rendra plus nombreux que tes pères.
6 L’Éternel, ton Dieu, circoncira ton cœur et le cœur de ta descendance, pour que tu aimes l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme afin que tu vives.
Si la foi est un préalable incontournable, celle-ci n’est en définitive suscitée que par Dieu lui-même et par un processus surprenant. La circoncision.
Avec cette dernière expression (verset 6), nous ne sommes pas loin de la formulation du premier commandement qui ordonne d’aimer l’Éternel de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force.
Mais il y a plus encore que cela. L’obéissance à la Loi est quelque chose en principe d’appréciable au regard des autres et une transgression doit être constatée pour être jugée selon les lois de la Torah. Or il semble au chapitre 29 et 30 qu’entrent en ligne de compte les inclinations du cœur de l’homme. Il est dénoncé une attitude de duplicité ou quelqu’un pourrait s’imaginer pouvoir vénérer en « secret », dans son cœur, une autre divinité. Et il est même possible de supposer que rien ne puisse en être dévoilé à l’entourage de cet homme.
La condamnation est alors déclarée certaine, non pas de la part des hommes et selon les ordonnances de la Loi, mais par Dieu lui-même comme il est dit aux versets 20 et 21 :
L’Éternel ne voudra pas lui pardonner. Mais alors la colère et la jalousie de l’Éternel s’allumeront contre cet homme, toute la malédiction écrite dans ce livre s’abattra sur lui, et l’Éternel effacera son nom de dessous les cieux.
L’Éternel le séparera, pour son malheur, de toutes les tribus d’Israël, selon toutes les malédictions de l’alliance écrite dans ce livre de la loi.
Au problème du cœur humain incapable de lui-même d’obéir à toute la Loi de Dieu, le Seigneur répond par une action qui lui appartient seul et qui fait écho au signe donné à Abraham.
La circoncision du cœur n’est pas mentionnée uniquement dans ce passage du Deutéronome. Les prophètes en parlent à de nombreuses reprises et de différentes façons. On parle de nations incirconcises, d’oreille incirconcise, de cœur incirconcis. On appelle le peuple à circoncire son cœur, etc.
Deutéronome 10:16 Vous circoncirez donc votre cœur et vous ne raidirez plus votre nuque.
Le sens premier de la circoncision dans ce passage est celui d’une repentance et d’un retour à Dieu, mais les prophètes évoquent surtout l’action divine dans les cœurs pour y restaurer une obéissance à Dieu et à sa Loi.
Mais voici l’alliance Que je conclurai avec la maison d’Israël, Après ces jours–là, – – Oracle de l’Éternel : Je mettrai ma loi au–dedans d’eux, Je l’écrirai sur leur cœur ; Je serai leur Dieu, Et ils seront mon peuple.
Celui–ci n’enseignera plus son prochain, Ni celui–là son frère, en disant : Connaissez l’Éternel ! Car tous me connaîtront, Depuis le plus petit d’entre eux jusqu’au plus grand, —— Oracle de l’Éternel ; Car je pardonnerai leur faute Et je ne me souviendrai plus de leur péché.
Le texte emblématique de Jérémie 31 décrivant les termes de la Nouvelle Alliance met en exergue l’action divine dans les cœurs pour y établir l’obéissance par la puissance du pardon.
L’Évangile et les apôtres ne manquent pas non plus de mettre l’accent sur la nécessité d’une « nouvelle naissance » (Jean 3) ou d’une circoncision qui ne réside pas uniquement dans la chair, mais bien dans les cœurs :
Romains 2:29 Mais le Juif, c’est celui qui l’est intérieurement ; et la circoncision, c’est celle du cœur, selon l’esprit et non selon la lettre. La louange de ce Juif ne vient pas des hommes, mais de Dieu.
Mais cette perspective d’une transformation spirituelle non seulement des apparences, mais aussi, et surtout de l’intériorité de l’homme apparaît très tôt dans le langage des prophètes, comme Ézéchiel dont le vocabulaire se retrouvera bien présent dans la prédication des apôtres.
Ézéchiel 11:19-20 Je leur donnerai un même cœur Et je mettrai en vous un esprit nouveau ; J’ôterai de leur chair le cœur de pierre Et je leur donnerai un cœur de chair, Afin qu’ils suivent mes prescriptions Et qu’ils observent et pratiquent mes ordonnances ; Ils seront mon peuple, Et je serai leur Dieu.
Ce qui frappe le lecteur dans ce verset 6 du chapitre 30 du Deutéronome, c’est le lien entre l’action divine de circoncire les cœurs des israélites et le signe de la circoncision donné à Abraham lors de la promesse faite de la terre et de la descendance.
En hébreu, la circoncision se dit « brit’ milah », littéralement « L’Alliance de la coupure ». Or, « milah » signifie aussi en hébreu « mot ». Si bien que l’Alliance de la « coupure » est aussi l’Alliance des « mots ». On pourra saisir alors le lien étroit entre le signe de la circoncision et celui des lettres de la Loi.
Un autre point important, plus énigmatique peut-être, est celui de la forme de ce signe donné à Abraham.
Il devait couper une excroissance recouvrant la verge de son sexe. Que peut bien signifier une telle action, pour la moins délicate pour un homme de 100 ans ?
Pour certains commentateurs, le prépuce d’Abraham constituait une sorte d’obstacle spirituel à la communication divine. D’autres y ont vu une symbolique du péché empêchant la reproduction et donc d’une certaine façon la transmission de l’Alliance ou de la promesse.
Tous les textes cependant parlent de la circoncision comme d’un signe séparant le peuple d’Israël des autres peuples incirconcis et idolâtres. La présence du péché, ou son ablation, peut donc aussi être comprise dans le signe.
Un deuxième élément à considérer est celui du sang versé. En effet, la coupure n’est pas opérée sans versement de sang.
Il apparaît clairement que le sang de la circoncision est celui de l’absolution, celui du pardon de la faute, comme peut-être lors de l’épisode étrange de Séphora et Moïse (Exode 4.24-25).
Un dernier élément est celui du lien générationnel. Le prépuce sur la verge de l’homme indique très probablement une dimension de la transmission intergénérationnelle. La coupure du prépuce peut donc se lire peut-être comme une ordonnance de transmission fondamentale de l’Alliance divine.
Quoi qu’il en soit la compréhension du signe de la circoncision pour Abraham est un élément fondamental qui détermine la manière de lire l’Alliance du Deutéronome avec tout le peuple d’Israël.
Le péché doit être écarté du cœur et des pensées de l’homme. Il n’y a pas de partage possible, de cohabitation entre l’Esprit de Dieu et le péché.
C’est un peu ce que veut dire en substance le passage de Matthieu 5.8 :
Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !
Le cœur pur est celui qui ne souffre d’aucune compromission. Un cœur sans partage. Le texte du Deutéronome souligne bien l’impossibilité pour un individu d’espérer faire cohabiter dans son cœur l’honneur dû à l’Éternel et une vénération secrète à une quelconque idole.
Le sang, sans être explicitement mentionné, est nécessairement versé. Il n’y a pas de circoncision sans que du sang soit versé. C’est tout le sens du pardon de Dieu. Il y a forcément un sacrifice pour le péché et la grâce de Dieu envers son peuple n’est pas imaginable sans la justice de Dieu et donc un sacrifice sanglant.
Enfin, la circoncision du cœur amène également l’homme à l’obéissance aux commandements divins. La transformation du cœur aboutit obligatoirement à un changement de comportement, une attitude nouvelle et des actions nouvelles.
À ce stade, une telle transformation n’est autre qu’une nouvelle naissance.
C’est aussi ce que dit la Brit’ ‘Hadachah — le Nouveau Testament.
1 Corinthiens 7:19
La circoncision n’est rien, l’incirconcision n’est rien ; ce qui importe, c’est d’observer les commandements de Dieu.
Notons qu’ici l’apôtre parle de la circoncision dans la chair.
Galates 5:6
Car, en Yéchoua’ —le Messie, ce qui a de la valeur, ce n’est ni la circoncision ni l’incirconcision, mais la foi qui opère par l’amour.
Le même apôtre complète son propos en évoquant le moteur de l’action : la foi qui est agissante par l’amour.
Contre toute attente, le Deutéronome nous éclaire sur le sens de toute l’aventure d’Israël, dans sa dimension collective comme dans sa perspective individuelle.
Le peuple d’Israël et sa relation à la terre sont comme une métaphore historique et bien réelle qui doit amener chaque homme sur la terre à considérer ses voies devant Dieu. Pour le Juif premièrement, puis pour le non-juif.
La foi n’est pas une option ou une révélation néotestamentaire. Elle est profondément ancrée dans la Torah. Sans elle, il est illusoire de pouvoir obéir aux mitsvoth. Bien plus, elle est le seul moyen d’être agréable à Dieu et de bénéficier des bénédictions divines et promises par l’alliance faite avec Abraham.
Enfin, la circoncision est un signe visible pour le Juif premièrement, mais aussi pour le non-juif, dès lors qu’elle parle au cœur de l’individu de l’action divine seule capable de transformer pour le salut l’homme qui s’approche avec foi de son créateur.
Abraham a-t-il perçu toute la portée de la promesse divine, de sa foi qui l’a conduit à l’obéissance, de la circoncision dans sa chair ?
Yéchoua’ déclare cependant :
56Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu’il verrait mon jour : il l’a vu, et il s’est réjoui. (Jean 8.55)
Que celui qui a des oreilles, écoute… et comprenne.
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ATHIA Guy
Directeur des publications du Berger d’Israël.
Vice-président de Beit Sar Shalom.
Conférencier et enseignant.