Pessa’h: lorsque Dieu racheta son peuple

Ma nishtana, halayla hazè, mikol haleylot ?

En quoi cette nuit diffère-t-elle de toutes les autres nuits ?

C’est par cette question étonnante que commence traditionnellement le seder de Pessa’h[1]. Mais en quoi cette nuit diffère-t-elle véritablement des autres nuits ?

La première Pessa’h est racontée au chapitre 13 du livre de l’Exode. À ce moment-là, les israélites sont simplement les descendants de Jacob, renommé Israël par Dieu. Ils sont exilés en Égypte depuis 430 ans. Au fil des siècles, les israélites sont passés de quelques dizaines à plusieurs centaines de milliers d’individus. Une croissance qui ne manque pas d’inquiéter les Égyptiens qui les prennent en horreur[2]. Ils les soumettent alors à un dur esclavage. Cependant, Dieu se souvient des promesses qu’il avait faites à Abraham, Isaac et Jacob. Il entend les cris des israélites et parle à Moïse afin de délivrer son peuple. Lorsqu’ils quittent l’Égypte, ils sont au nombre de 600 000 hommes[3]. Avec ces évènements du début de l’Exode, nous assistons véritablement à la naissance du peuple d’Israël, mais nous y reviendrons plus tard.

Cette nuit est donc différente de toutes les autres, car il s’agit de la sortie d’Égypte pour le peuple d’Israël. Mais ce départ précipité ne fut pas sans embûche. Tout commence en réalité 80 ans plus tôt, avec la naissance de Moïse. Celui-ci est élevé au palais royal dans une parfaite éducation égyptienne. Moïse connait cependant son ascendance au sein du peuple hébreu. Lorsqu’il a 40 ans, il décide d’aller à la rencontre des siens, affligé du sort qui est le leur. Prenant la défense de l’un de ses frères, il frappe à mort un Égyptien et doit prendre la fuite. Moïse pensait que ses frères, les israélites, comprendraient que Dieu leur donnait le salut par son entremise ; mais ils ne l’ont pas compris[4]. Après 40 ans d’errance dans le désert de Madian, le messager de Dieu apparaît à Moïse. Dieu lui parle au travers d’un buisson en feu qui ne semble pas se consumer.

À cet instant, Dieu se présente à Moïse comme le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Il lui indique avoir entendu les cris du peuple et être venu pour les délivrer[5]. Dieu montre à Moïse qu’il s’apprête à faire des signes et des prodiges devant le pharaon et le peuple d’Égypte. Ce seront les fameuses dix plaies du récit biblique.

Plus étonnante est l’indication qui nous intéresse aujourd’hui. Par Moïse, Dieu communique à pharaon ce qu’il s’apprête à faire contre lui et son peuple : « Ainsi parle l’Éternel : Israël est le premier-né de mes fils, or, je t’avais dit : laisse partir mon fils, pour qu’il me serve et tu as refusé de le laisser partir. Eh bien ! Moi, je ferai mourir ton fils premier-né. » (Exode 4.22-23.)

De l’affirmation divine, il découle quelque chose de plus qu’une simple délivrance d’un peuple maltraité. Dieu déclare délivrer son fils « premier-né », en quelque sorte le « fils de Dieu ». Dans une perspective prophétique, ce texte fait évidemment allusion au Messie à venir. Nous en parlerons en détail plus loin. Revenons un instant sur ce que Dieu affirme à cet endroit. Avant même la réalisation des premiers signes, Dieu annonce ce que sera la dernière plaie affectant les premiers-nés. Nous comprenons ainsi que le déroulement des neuf premiers fléaux n’est que le prélude au dernier avec la mort des premiers-nés et la première Pessa’h.

« 1 L’Éternel parla à Moïse et à Aaron, dans le pays d’Égypte, en ces termes : 2 Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois ; il sera pour vous le premier des mois de l’année. 3 Parlez à toute la communauté d’Israël en ces termes : Au dixième jour de ce mois, que chacun se procure un agneau pour sa famille paternelle, un agneau par maison. 4 Celui dont le ménage sera trop peu nombreux pour manger un agneau s’associera avec son voisin, le plus proche de sa maison, selon le nombre des personnes ; chacun, selon sa consommation, réglera la répartition de l’agneau. 5 L’animal doit être sans défaut, mâle, dans sa première année ; vous le choisirez parmi les brebis ou les chèvres. 6 Vous le tiendrez en réserve jusqu’au quatorzième jour de ce mois ; alors toute la communauté d’Israël l’immolera vers le soir. 7 On prendra de son sang et on en teindra les deux poteaux et le linteau des maisons dans lesquelles on le mangera. 8 Et l’on en mangera la chair cette même nuit ; on la mangera rôtie au feu et accompagnée d’azymes et d’herbes amères. 9 N’en mangez rien qui ne soit à demi cuit, ni bouilli dans l’eau, mais seulement rôti au feu, la tête avec les jarrets et les entrailles. 10 Vous n’en laisserez rien pour le matin ; ce qui en serait resté jusqu’au matin, consumez-le par le feu. 11 Et voici comme vous le mangerez : la ceinture aux reins, la chaussure aux pieds, le bâton à la main ; et vous le mangerez à la hâte, c’est la pâque en l’honneur de l’Éternel. 12 Je parcourrai le pays d’Égypte, cette même nuit ; je frapperai tout premier-né dans le pays d’Égypte, depuis l’homme jusqu’à la bête et je ferai justice de toutes les divinités de l’Égypte, moi l’Éternel ! 13 Le sang, dont seront teintes les maisons où vous habitez, vous servira de signe : je reconnaîtrai ce sang et je vous épargnerai et le fléau n’aura pas prise sur vous lorsque je sévirai sur le pays d’Égypte. 14 Ce jour sera pour vous une époque mémorable et vous le solenniserez comme une fête de l’Éternel ; d’âge en âge, à jamais, vous le fêterez. » (Exode 12.1-14)

Bien plus qu’une fête solennelle, Pessa’h marque véritablement le commencement de la marche d’Israël avec son Dieu. D’ailleurs, Dieu indique dans ce même passage que le mois de Pessa’h doit être le premier des mois de l’année. Il s’agit de la première fête ordonnée par Dieu à son peuple, mais aussi, et surtout, il s’agit de la première ordonnance divine demandant qu’un animal soit offert en sacrifice !

À ce stade, ouvrons une courte parenthèse sur les sacrifices dans le livre de la Genèse. Certains commentateurs voient en Genèse 3.21 l’allusion à un premier sacrifice animal. S’il est vrai que le récit présente Dieu vêtir Adam et Ève d’un habit de peau, avec toute la symbolique que cela comporte, le sacrifice n’est pas en l’occurrence demandé par Dieu, mais « pourvu par Dieu lui-même». Nous trouvons ensuite jalonnés toute une série d’offrandes et de sacrifices, ceux de Caïn et Abel, de Noah, d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Mais toutes sont des offrandes « spontanées », de toute évidence à l’initiative des hommes. Objectivement, nous ne voyons qu’à deux reprises Dieu demander explicitement un sacrifice :

La première fois, en Genèse 15, il ne s’agit pas à proprement parler d’un sacrifice. Les animaux sont réclamés par Dieu dans le cadre d’une alliance entre Lui et Abraham[6]. Bien entendu, beaucoup d’éléments prophétiques peuvent être tirés de ce récit qui pointe à la fois vers la loi que Dieu donnera aux israélites, et vers le sacrifice « parfait », celui qui accomplit la loi et instaure la nouvelle alliance avec l’humanité.

La seconde fois qu’un sacrifice est demandé, il n’y est pas question d’un animal, mais du fils d’Abraham lui-même, un être humain, celui qui avait pour lui les promesses. Cette requête, hautement symbolique et à l’accent prophétique indiscutable, porte le nom d’Akédah d’Isaac[7]. Tandis que Dieu demande à Abraham d’offrir en holocauste son fils, et qu’il est sur le point de le faire, l’Ange de l’Éternel apparaît à Abraham et lui ordonne de ne pas porter la main sur son fils. À la place, Abraham voit un bélier et l’offre en sacrifice à l’Éternel. Cet épisode très connu est perçu par la plupart des commentateurs, Juifs et chrétiens, comme un sacrifice de substitution. Beaucoup y voient un lien évident et très fort avec l’agneau sacrifié de Pessa’h.

Nous fermons cette parenthèse et retournons à notre texte d’Exode 12. Il semble manifeste qu’un lien étroit est établi entre l’ordre divin — pour la première fois — d’offrir en sacrifice un animal, et le commencement de la marche effective du peuple d’Israël avec Dieu. Cela n’est bien sûr pas sans rappeler l’alliance faite avec Abraham et l’Akédah d’Isaac. Ce sacrifice de Pessa’h revêt donc une importance toute particulière, objective et prophétique. Quelle est-elle ?

Dieu demande au peuple le sacrifice d’un agneau, le sang doit être aspergé sur les linteaux des portes, en signe de protection et d’une appartenance nouvelle à l’Éternel, le Dieu d’Israël. En effet, le rachat d’Israël par le sang n’est pas une simple délivrance spirituelle, mais un réel changement de « propriété », des dieux de l’Égypte (12,12) vers le Dieu d’Israël. Non seulement Dieu démontre sa toute-puissance, mais il indique aussi son choix souverain ; son regard tourné vers Israël (11,7) qui devient un signe.

Pourquoi du sang aspergé est-il alors nécessaire ? Qu’en est-il des Égyptiens qui choisissent de mettre eux aussi du sang sur les portes de leurs maisons ? Ou encore des israélites qui n’en font rien ?

Si dans le texte il apparait que « tous » les Égyptiens furent frappés et qu’aucun israélite ne fut touché (11,7). Était-ce une réalité absolue ? Ou le narrateur cherche-t-il à simplement témoigner de la différence que Dieu fait entre l’orientation spirituelle de deux peuples que tout oppose ? Individuellement, l’israélite et l’égyptien avaient un choix personnel à faire dont on connait les conséquences (12,13).

Pour la plupart des commentateurs, le sacrifice de Pessa’h est un sacrifice de substitution, lorsque le fléau[8] frappe l’Égypte, il touche tout le monde, l’israélite comme l’Égyptien. Seul le sang de l’agneau protège l’homme premier-né de la mort. Cet agneau devait être un jeune mâle, sans défaut, dont la vie est ôtée en rançon de celle de l’homme premier-né. Aussi, lorsque Dieu juge l’Égypte en frappant toutes les familles, l’ange exterminateur passe au-dessus de celles qui ont appliqué le sang de l’agneau sur les linteaux des portes. Le sang rachète ainsi la vie et donne une nouvelle appartenance, une nouvelle identité à celui qui a été racheté.

En même temps que l’instauration du rituel pascal, Dieu demande le rachat de tous les premiers-nés qui naîtront après ce moment. Dieu déclare que les premiers-nés lui appartiennent. Il sera désormais nécessaire d’offrir chaque année un sacrifice de « rachat » pour tous les premiers-nés du peuple ou même du bétail[9] [10]. Ce sera comme un signe, en mémoire de la délivrance que Dieu a accordée à son peuple lorsqu’il était en Égypte.

Pessa’h est la première fête que Dieu instaure. Elle est le commencement de la marche avec Dieu. C’est aussi la première fois que Dieu ordonne un sacrifice, en l’occurrence un sacrifice de substitution, une vie donnée pour celle d’un autre, un sang versé pour celui d’un autre, le signe d’un changement d’appartenance, un prix payé pour le rachat d’une vie.

Plus fortement encore, Dieu organise le rachat d’Israël, son premier né (Exode 4.22-23). De la même façon que Dieu avait demandé à Abraham d’offrir en holocauste son propre fils, et qu’il avait pourvu par un bélier offert en lieu et place d’Isaac, Dieu annonce en quelque sorte un sacrifice de substitution pour Israël, le premier-né de ses fils. Selon la Loi, le premier-né est racheté par le sacrifice d’un agneau. Le sang de celui-ci représente sa vie[11]. Il est versé à la place de celui du premier-né.

Le parallèle est saisissant entre l’Akédah d’Isaac et la fête de Pessa’h : Dieu a enfanté Israël, son aîné, et a instauré Pessa’h comme sacrifice de substitution, sacrifice d’un agneau sans défaut. Dieu pourvoit lui-même à ce sacrifice lors de l’Akédah d’Isaac.

Si nous sommes d’accord pour affirmer que Dieu a, d’une certaine façon, enfanté Israël, nous pouvons tout de même nous poser la question : à partir de quel moment peut-on dire qu’Israël est un peuple ?

Lorsque Jacob, Israël, arrive en Égypte avec sa famille, ils sont au nombre de 75[12]. Nous ne pouvons pas parler encore d’un peuple à ce moment précis. Ainsi, pour plusieurs commentateurs, l’Égypte a été comme le « ventre » qui a porté Israël, mais ce n’est qu’à sa sortie, 430 ans plus tard, qu’il est possible de considérer Israël comme un peuple. Les descendants d’Israël partagent une même origine et une même culture, différente de celle des Égyptiens. Ce n’est cependant qu’à la sortie d’Égypte qu’ils forment un peuple à part entière, une société régie par des lois spécifiques.

Le prophète Isaïe déclare (66,8) : « Qui a ouï pareil fait ? Qui a vu pareil prodige ? Tout un monde procréé en un jour ! Tout un peuple enfanté à la fois ! C’est ainsi que Sion a été en travail, ainsi qu’elle a donné le jour à ses fils ! ». Avec le recul de l’histoire, beaucoup s’accordent à dire que ce verset prophétique annonçait la restauration d’Israël en « un jour », le 14 mai 1948. Nous pouvons sans doute faire une comparaison analogue avec le jour de Pessa’h, où de la même manière et en une nuit, Israël devient un peuple à part entière, une fois sortie d’Égypte.

Par ailleurs, c’est tout le livre de l’Exode qui se structure autour du sujet de la naissance. Ainsi, au premier chapitre, il est fait mention de deux sages-femmes israélites, Shiphra et Poua, qui apportent leur aide pour faire accoucher les femmes alors que les Égyptiens prévoyaient de tuer les nouveaux nés des Hébreux. Au second chapitre, il est question de Moïse, dont le nom signifie « tiré des eaux » ; en rapport direct avec le contexte de sa naissance. Ce même Moïse, fils d’une mère hébreu, élevé par la fille de pharaon, dut s’exiler 40 ans dans le désert, avant que Dieu ne l’utilise pour son peuple. Ce même peuple, après avoir traversé la mer rouge à pieds secs, dut marcher 40 années dans le désert avant d’entrer enfin en Terre promise.

Tout semble conduit par Dieu. N’est-il pas remarquable que le sort réservé aux nouveau-nés hébreux par le pharaon se retourne d’une certaine manière contre lui et son peuple quand Dieu déclare en Exode 4.22-23 qu’il compte faire mourir le fils de pharaon et avec lui les premiers-nés de tous les Égyptiens ? Ainsi, Dieu frappe pharaon de la façon dont lui-même avait tenté de frapper les fils d’Israël.

Enfin, nous mentionnerons encore la traversée de la mer rouge avec ses symboles et la double allégorie qu’elle recèle. Celle de la vie nouvelle, comme après le déluge ; celle du jugement dernier. Ainsi Israël descend en quelque sorte dans la mer rouge, y marche au sec avant de remonter. À ce moment précis, Israël est d’une certaine manière comme un peuple « nouveau-né », délivré de l’Égypte et de ce qu’elle représente. À l’inverse, lorsque les Égyptiens descendent dans la mer rouge, ils y périssent. Ces eaux sont une image du jugement de Dieu qui devait les atteindre ; une source de vie pour son peuple racheté, une condamnation à mort pour qui s’y aventure sans lui appartenir, sans avoir été racheté.

Comme nous venons de le mettre en lumière, le récit historique de Pessa’h comporte assurément une dimension allégorique relative à Israël. Voyons à présent la portée prophétique et messianique de ce même récit jusqu’à nous aujourd’hui.

Après la sortie d’Égypte, le sacrifice de l’agneau pascal se fera chaque année en présence de l’Éternel, devant le Tabernacle, puis dans le Temple, le seul endroit où il était ordonné d’offrir des sacrifices. Or, si l’agneau pascal a été offert durant des siècles dans le Temple de Jérusalem, ce n’est plus le cas aujourd’hui. En effet, tous les sacrifices, dont celui de Pessa’h, ont pris fin avec la destruction du Temple en 70. Cependant, c’est bien un commandement de Dieu que l’on trouve en Exode 12.14 : « Ce jour sera pour vous une époque mémorable et vous le solenniserez comme une fête de l’Éternel ; d’âge en âge, à jamais, vous le fêterez ». C’est donc un réel problème que de ne plus avoir aujourd’hui ce sacrifice de Pessa’h.

Serions-nous donc désormais livrés à la colère de Dieu ? De même que le sacrifice de Yom Kippour nous accordait le pardon, le sacrifice de Pessa’h était le premier sacrifice, celui qui faisait de nous des membres du peuple de Dieu, celui qui nous protégeait de ses jugements et de sa colère.

Mais tout cela n’était que l’ombre des choses à venir. Elles étaient faites pour que nous puissions comprendre aujourd’hui l’œuvre du Messie d’Israël, révélée en Yéchoua’[13]. Ainsi, comme Paul lui-même le dira : Le Messie est notre Pâque[14].

En effet, Yéchoua’ le Messie s’est présenté à nous comme un agneau sans défaut. C’est ainsi que nous le présente Jean Baptiste, son cousin : « Voici l’Agneau de Dieu, celui qui ôte le péché du monde[15]». Il est l’agneau pascal, celui dont le sang nous protège de la colère à venir.

Tentons de comprendre en profondeur le sens de cette expression. En effet, le Messie est réellement notre Pâque. Ainsi, de même que le sang de l’agneau pascal était le moyen choisi par Dieu pour affranchir les israélites et faire d’eux le peuple de Dieu, Son peuple qui lui appartient, de même le sang du Messie, déclaré « agneau de Dieu », est devenu le signe d’appartenance à son peuple. Le sacrifice pascal du Messie se substitue à nous qui méritions le jugement. Son sang versé nous a rachetés afin que nous appartenions à Dieu. Bien plus, le mystère de Dieu dépasse le seul cadre des premiers-nés pour s’étendre à tous les pécheurs, de quelque nation qu’ils soient. C’est pourquoi le message de Pessa’h est pour tous, pour vous lecteurs également. Le sang du Messie est donc un signe pour ceux qui croient en lui, qui placent leur confiance en son sacrifice, un signe d’appartenance à Dieu et un signe de rachat.

Par ailleurs, il existe un lien étroit entre le sacrifice de l’agneau pascal et les matzot[16] mangés lors de la fête, dès lors que la levure absente des pains de la Pâque représente le péché. Yéchoua’, toute sa vie durant, n’a pas commis de péché. Ainsi, toute sa personne est à l’image de ce pain. Son corps fut brisé et offert comme un sacrifice pour nous. Ce corps « brisé » nous rappelle les matzot que l’on brise au soir du repas de la fête. Le Messie n’est donc pas venu seulement avec son sang, mais avec son corps et son sang, symbolisés lors de Pessa’h par le sang de l’agneau et les matzot, les pains sans levain.

Enfin, si l’on peut affirmer du Messie qu’il est notre Pâque, c’est avant tout parce que lui-même nous le laisse entendre. Ainsi, nous pouvons lire en Matthieu 26.17-20 :

« Le premier jour des Pains sans levain, les disciples vinrent dire à Yéchoua’ : Où veux-tu que nous te préparions le repas de la Pâque ? Il répondit : Allez à la ville chez untel, et dites-lui : Le maître dit : Mon temps est proche, c’est chez toi que je célébrerai la Pâque avec mes disciples. Les disciples firent ce que Yéchoua’ leur avait ordonné et ils préparèrent la Pâque. Le soir venu, il était à table avec les Douze. »

Et encore en Matthieu 26.26-29 :

« Pendant qu’ils mangeaient, Yéchoua’ prit du pain ; après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit et le donna aux disciples en disant : Prenez, mangez ; ceci est mon corps. Il prit ensuite une coupe ; après avoir rendu grâce, il la leur donna en disant : Buvez-en tous : ceci est mon sang, le sang de l’alliance, qui est répandu en faveur d’une multitude, pour le pardon des péchés. Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour où j’en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père ».

Le dernier repas de Yéchoua’ eut donc lieu le soir de la préparation de Pessa’h (ou la veille de la préparation si l’on suit Jean[17]). À cela, nous pouvons encore citer les paroles de Yéchoua’ rapportées par Luc (22.15-16) : « J’ai vivement désiré manger cette Pâque avec vous, avant de souffrir, car, je vous le dis, je ne la mangerai plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu ». En bénissant le pain et le vin comme il est de coutume de le faire lors du seder, Yéchoua’ donne un sens nouveau à cette bénédiction. En effet, il s’identifie lui-même à ce pain et ce vin. De fait, de même qu’il était coutume de célébrer Pessa’h en mémoire de la sortie d’Égypte, Yéchoua’ demande ici à ses disciples de célébrer Pessa’h en se remémorant ce que lui-même s’apprête à faire : s’offrir lui-même en sacrifice. Le pain et le vin symbolisent alors son corps brisé et son sang versé pour nous.

Yéchoua’ ne fait pas que s’identifier par ses mots à l’agneau pascal. Quelques heures après ce dernier repas, Yéchoua’ sera arrêté et condamné à mort par crucifixion. Il est important ici de rappeler que Yéchoua’ fait un choix volontaire. Jean 10.18 indique : « Personne ne m’ôte la vie, mais je la donne moi-même ».

Le lendemain de son dernier repas, le jour de la préparation de Pessa’h, Yéchoua’, l’agneau de Dieu ainsi présenté par Jean Baptiste, est donc mort en sacrifice en même temps que l’était l’offrande pascale dans le Temple. Si donc nous croyons en son libre sacrifice, nous croyons que c’est par son sang que nous sommes rachetés et que nous devenons membres de son peuple. Le Messie endosse le jugement qui nous était destiné et nous déclare juste par la vie qu’il nous a donnée.

Le sacrifice du Messie — la mort d’un homme en sacrifice — est-il une entorse à la Loi énoncée par Dieu ? Ne pouvait-on s’en tenir à la mort expiatoire d’un animal en lieu et place des individus, comme cela avait prévalu pendant des siècles ?

En réalité, en offrant sa vie en sacrifice, Yéchoua’ vient accomplir la loi. En effet, en Jérémie 31.30-32, il est écrit : « Voici, des jours vont venir, dit le Seigneur, où je conclurai avec la maison d’Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle, qui ne sera pas comme l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères le jour où je les ai pris par la main pour les tirer du pays d’Égypte, alliance qu’ils ont rompue, eux, alors que je les avais étroitement unis à moi, dit le Seigneur. Mais voici quelle alliance je conclurai avec la maison d’Israël, au terme de cette époque, dit l’Éternel : Je ferai pénétrer ma loi en eux, c’est dans leur cœur que je l’inscrirai ; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. »

Dieu avait ainsi prévu d’instaurer une nouvelle alliance avec son peuple. Il est donc tout naturel que celle-ci soit en quelque sorte reliée au jour de Pessa’h, le jour du commencement. Au-delà de Pessa’h, c’est tout le Tanakh[18] qui pointe vers cette alliance éternelle que Dieu annonce vouloir accomplir. L’épître aux Hébreux nous éclaire au sujet du sacrifice du Messie et de son service dans le Temple céleste. C’est ainsi que nous comprenons la « supériorité » de son sacrifice. La suffisance de celui-ci tient en sa pérennité, sa valeur éternelle. Or ce qui est éternel témoigne de sa supériorité sur ce qui est éphémère et qui doit être sans cesse répété. Ce qui était passager devait laisser la place à ce qui n’a pas de durée. L’ombre devait s’effacer devant la réalité nouvelle et éternelle dans le Messie. « De plus, la prêtrise du Messie est parfaite puisqu’il officie non pas dans un Temple fait de mains d’hommes, mais auprès de Dieu[19] [20] ».

En acceptant Yéchoua’ comme sauveur, d’une certaine manière, nous expérimentons une nouvelle naissance et débutons une marche avec Dieu. Puisse-t-il conduire chacun sur ce chemin et nous amener avec lui au-delà de la Terre promise, ce pour toujours.

Ma nishtana, halayla hazè, mikol haleylot[21] ?

Finalement, cette nuit diffère de toutes les autres nuits, car c’est en ce jour que nous commémorons l’affranchissement de notre esclavage en Égypte, ombre d’une réalité encore à venir, celle d’une victoire définitive sur le péché et la mort.

Désormais libérés, nous marchons avec Dieu, tels ses enfants, rachetés par le Précieux Sang de son Fils Yéchoua’.

Oui, cette nuit est différente de toutes les autres nuits, car Dieu a livré Yéchoua’, son Fils, comme un agneau en sacrifice. Puissions-nous nous en souvenir en continuant de célébrer ensemble Pessa’h jusqu’à ce que nous soyons avec Lui.

KAEUFFER Benjamin

[1] Le repas cérémonial lors de la fête de Pessa’h (Pâque).

[2] Exode 1.10-14.

[3] Exode 12.37

[4] Actes 7.25

[5] Exode 3.7

[6] Les animaux sont coupés en deux et placés en parts les unes en face des autres. La flamme de feu vient passer entre les morceaux et non consumer les animaux. C’est ainsi que se contractaient les alliances en ce temps-là.

[7] Le récit se trouve en Genèse 22.

[8] Littéralement, le texte hébreu indique « le fléau pour détruire »

[9] Exode 13.2 :

[10] Exode 13.12-16

[11] Lévitique 17.11-14

[12] Ou 70, selon les versions.

[13] Jésus

[14] 1 Cor. 5.7

[15] Jean 1.29

[16] Les pains sans levain.

[17] Il y a une petite incertitude sur la date, qui selon les commentateurs pourrait avoir plusieurs raisons : soit ce serait un changement volontaire de la part de Jean, qui désire insister sur le fait que le Messie est l’agneau pascal, soit cela pourrait provenir d’un calendrier différent entre galiléens et jérusalémites, soit enfin cela pourrait être une tradition que les rabbins avaient de fêter Pessa’h avec leurs disciples la veille de la fête. Quoi qu’il en soit, nous pouvons difficilement avoir une certitude aujourd’hui sur le pourquoi de cette différence.

[18] Tanakh : acronyme qui désigne l’ensemble des écrits de la bible juive, les écrits de l’Ancien Testament.

[19] Hébreux 8.2

[20] Hébreux 9.12

[21]En quoi cette nuit diffère-t-elle de toutes les autres nuits ?

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KAEUFFER Benjamin

Auteur, enseignant de la Bible.

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