Yom Kippour 5781 : vous avez parlé d’un bouc émissaire ?
Dans quelques jours, la communauté juive vivra comme suspendue au verdict de Kippour. En effet, traditionnellement, il est admis que de grands livres sont ouverts lors de Roch Hachana — entendez par là ceux qui contiennent la liste des péchés commis durant l’année écoulée, lesquels font face aux mérites retenus dans la balance. Dix jours après, lors de Kippour, les livres sont refermés et le verdict tombe. Sauf que personne ne sait vraiment avec certitude lequel il sera. Il n’y a pas d’annonce à la synagogue au coucher du soleil. Alors chacun espère…
Cette vision des choses est peut-être un peu caricaturale, j’en conviens. Pour la plupart des Juifs, ce jour de Yom Kippour est un moment important dans la vie religieuse et communautaire. Chacun aspire légitimement à se trouver parmi celles et ceux dont les mérites pèseront suffisamment pour être favorablement reçus par le Seigneur.
On se lève le matin avec de l’espoir, on jeûne, on prie et récite des prières toute la journée et l’on fera au passage un don conséquent en aumône. Mais quand le soir arrive, aucune certitude ne vient remplir le cœur de celle ou celui qui s’est consacré à tout mettre dans la balance en sa faveur.
Les traditions rabbiniques en vigueur aujourd’hui ont été établies après la destruction du Temple en 70. Cela étant, ce qui prévalait auparavant était la cérémonie exceptionnelle avec les deux boucs, dont l’un restera dans les mémoires comme le bouc émissaire. Sauf que la signification de ce bouc s’est un peu perdue et, de nos jours, le bouc émissaire est avant tout l’innocent qui endosse la responsabilité pour un autre, un scandale inadmissible.
C’est en Lévitique 16 que se trouvent décrites les ordonnances relatives à la fête dites des expiations. Ce jour-là est notamment jeté le sort sur deux boucs rigoureusement identiques. Le premier sera immolé et son sang présenté jusque sur le couvercle de l’Arche de l’Alliance, pour le pardon des péchés d’Israël. Le second est lâché dans le désert vers un personnage nommé Azazel, que la plupart des commentateurs identifient à Satan, le diable.
C’est ce second bouc, présenté à Azazel, qui est appelé par ailleurs le bouc émissaire. Se pose peut-être alors la question : de quoi ce bouc est-il émissaire ?
Le fameux récit talmudique au sujet du ruban de laine rouge accroché à la corne du bouc et devenu blanc, donne déjà en lui-même une indication du signe du pardon divin[1]. Nous pouvons alors supposer que ce second bouc — semblable au premier — est à la fois témoin et porteur de la décision divine du pardon devant l’Accusateur d’Israël.
Le bouc vivant est la démonstration que Dieu a effectivement pardonné les péchés d’Israël. Il est marqué du signe du pardon divin qui sera rapporté jusqu’au Temple comme la bonne nouvelle que le peuple attend patiemment dans la crainte.
Israël peut alors se réjouir de ce pardon et l’Accusateur en a, en quelque sorte, la bouche fermée.
Yéchoua’ est bien sûr ce bouc émissaire qui porte la nouvelle du pardon de Dieu devant l’Accusateur. Il est en même temps le bouc qui a été immolé, car dans la symbolique prophétique, les deux boucs sont une seule et même offrande. Yéchoua’ a bien versé son sang pour réaliser l’expiation de nos fautes. Mais avec la résurrection, c’est comme « vivant » qu’il proclame le pardon effectif de nos péchés, jusque devant la face de l’Adversaire de nos âmes.
Yom Kippour est une journée que beaucoup redoutent. Mais quel soulagement d’apprendre qu’un innocent a pris le jugement que je méritais ! Un scandale et une ignominie, c’est certain. Le Messie Yéchoua’ a payé pour moi la dette de mon péché. Son mérite pèse plus que le poids de toutes mes fautes. Voilà la bonne nouvelle dont je me ferai volontiers l’émissaire.
[1] Talmud de Babylone, Yoma, chap. 39b.
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ATHIA Guy
Directeur des publications du Berger d’Israël.
Vice-président de Beit Sar Shalom.
Conférencier et enseignant.