Sur les pas du Messie… (3)

(Troisième article d’une série publiée dans le Berger d’Israël)

Il y a quelques mois, nous nous étions arrêtés à l’histoire tragique de Caïn et Abel. Comment donc cette génération, unique en son genre, a-t-elle pu sombrer jusqu’à basculer dans le meurtre ? C’est que dans ce cas de figure et à ce stade de l’humanité, les témoins comme les suspects se comptaient presque sur les doigts d’une seule main.

Même si en définitive, le coupable a craint d’être « rattrapé » par une certaine justice humaine[1], il paraissait difficile d’envisager échapper à l’interpellation divine.

Peu auparavant, nous en avions déjà fait le triste constat. La faute d’Adam et Ève, hautement « symbolique », avait amené sur toute la descendance à venir des conséquences extrêmement graves. Le dialogue entre Dieu et ses créatures, la condamnation divine du Satan, de même que l’action prophétique et rédemptrice de Dieu en faveur du premier couple de l’humanité, ne pouvaient-ils pas servir à défaut de leçon, au moins d’avertissements ?…

Par la suite, Adam et Ève ont-ils été trop « pressés » de voir enfin le Salut divin les atteindre ? Ni Caïn ni Abel n’ont été le « Messie » espéré. Même si le récit biblique n’en fait pas écho, j’imagine leur désarroi quand ils ont appris la mort d’Abel, tué par son frère. Comment toute cette histoire allait donc se terminer ? Leur propre forfait encore en mémoire devait leur faire craindre le pire pour celui qui avait versé le sang.

Pour nous lecteurs et « témoins » tardifs de ce récit, nous sommes pour le moins perplexes. Les premiers chapitres de la Genèse ne semblent pas dérouler un scénario très positif et l’on voit mal comment l’histoire va enfin commencer à prendre un peu d’épaisseur. On a beau se dire que Dieu a la prescience de tout et que même ces « écueils » lui étaient connus, chaque « miette » prophétique semée dans la perspective du Salut de l’humanité semble bien fragile, un indice trop ténu pour traverser le temps jusqu’à nous.

Nous connaissons bien l’histoire du Petit Poucet qui, semant les miettes de pain sur son chemin, espérait bien les retrouver pour rentrer à la maison. Sauf qu’entre temps, les oiseaux les avaient mangées.

Mais l’histoire fantastique que l’on raconte aux jeunes enfants n’est pas celle que nous propose l’Éternel, le Dieu d’Israël. Dans le récit biblique, Dieu donne les indices qui doivent nous faire découvrir le Messie sauveur d’Israël, le rédempteur de l’humanité. Non pas que Dieu se plaise particulièrement à « cacher » les choses pour nous initier dans une sorte de grand jeu de piste. Il veut simplement encourager et avertir l’humanité qu’il n’abandonne pas ceux qu’il a créés à son image.                                

Nous savons, dès les premières pages de la Bible, que l’adversaire de nos âmes s’emploie à fausser la vérité et nous égarer dans des voies loin du retour au Dieu créateur. C’est pourquoi les « miettes » dispersées sur le chemin sont si précieuses et Dieu est puissant pour les préserver de celui qui voudrait nous en écarter.

L’histoire de Caïn et Abel est terrible, mais elle fait comme écho à la première « faute » de leurs parents. Le mal est ainsi en quelque sorte devenu « transmissible » par nature et le fait que le récit du chapitre 4 ne mentionne pas les parents laisse entendre que le conflit entre les frères n’est pas interféré par la présence active ou passive du père ou de la mère des deux frères.

Caïn parla à Abel, son frère ; comme ils étaient en pleine campagne, Caïn se jeta sur Abel, son frère, et le tua. Le Seigneur dit à Caïn : où est Abel, ton frère ? Il répondit : je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? Alors il reprit : qu’as-tu fait ? Le sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi. Maintenant, tu seras maudit, chassé de la terre qui a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère. Quand tu cultiveras la terre, elle ne te donnera plus sa force. Tu seras errant et vagabond sur la terre. Caïn dit au Seigneur : ma faute est trop grande pour être prise en charge. Tu me chasses aujourd’hui de cette terre ; je serai caché, tu ne me verras plus, je serai errant et vagabond sur la terre ; et si quelqu’un me trouve, il me tuera. Le Seigneur lui dit : alors, si quelqu’un tue Caïn, on le vengera sept fois. Et le Seigneur mit un signe sur Caïn pour que ceux qui le trouveraient ne l’abattent pas. Puis Caïn se retira de devant le Seigneur et s’installa au pays de Nod, à l’est d’Éden.

Genèse 4. 8-16

Les circonstances du meurtre sont plutôt imprécises. La mort d’Abel semble intervenir à la « campagne » — dans les champs — c’est-à-dire probablement sans témoin. Caïn « parla » à son frère Abel. Avaient-ils l’habitude de discuter ? On ne le sait pas. Sur quoi portait leur conversation ? Le récit biblique ne l’indique pas. Les rabbins ont cependant plusieurs hypothèses. Certains pensent qu’ils évoquaient le partage du pays entre eux et qu’ils se seraient disputés à ce propos.

En réalité, peu importe ce qui a pu les opposer à ce moment-là. Caïn s’est « dressé » contre son frère et l’a tué. Il peut bien y avoir débat sur la préméditation ou non du meurtre, le résultat est là. Pour la toute première fois dans l’histoire de l’humanité, un homme git mort sur le sol.

Pour ce qui est de Caïn, il n’y a pas a priori de prise de conscience du péché, du moins pas immédiatement. Il ne se « cache » pas quand Dieu soudain intervient et lui parle.

Pour le Targoum Yéroushalmi, Caïn déclare : « Il n’y a pas de jugement, ni de Juge ni de monde futur… » Le meurtrier ne semble craindre ni un jugement immédiat ni un jugement à venir.

Comme à Adam, Dieu pose la question qui remet l’homme à sa place. Où es-tu ? – Où est Abel ton frère ? Dieu le sait bien sûr et Caïn sait sans doute que Dieu ne l’ignore pas. L’arrogance de Caïn le pousse toutefois au mensonge et même à interroger Dieu sur la pertinence de sa question. Je ne sais pas. Suis-je gardien de mon frère ?

Dieu répond alors : qu’as-tu fait ? (La même question est posée à Ève en Genèse 3.13) Le sang de ton frère crie de la terre jusqu’à moi. 

Caïn s’imaginait peut-être qu’il n’y avait pas eu de témoin de son forfait. En réalité, il se trompait. La terre a ouvert la bouche pour recevoir le sang de son frère. C’est ainsi que le sang d’Abel crie vers Dieu. La violence du meurtre résonne alors avec une puissance telle que Dieu ne peut y rester indifférent.

Par ailleurs, en hébreu, l’expression kol démei est un pluriel que l’on pourrait traduire par la voix des sangs. Le Midrash Rabba en conclut qu’il ne s’agit pas seulement du sang d’Abel qui crie, mais aussi celui de sa descendance, peut-être, d’une certaine façon, la postérité qu’il n’aura pas.

Or Abel est évoqué comme un homme de foi et dont le sang versé est cité en mémoire avec celui de tous ceux innocents et assassinés comme lui au fil des générations. Ces « sangs » sont donc peut-être tous ceux morts après lui dont parle le Messie dans Matthieu 23.34-35.

C’est pourquoi, moi, je vous envoie des prophètes, des sages et des scribes. Vous tuerez et crucifierez les uns, vous fouetterez les autres dans vos synagogues et vous les persécuterez de ville en ville, afin que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez assassiné entre le sanctuaire et l’autel.

Dans ces versets, Yéchoua’ peut sembler sévère dans sa condamnation des leaders religieux de son temps. Il n’est pourtant pas question ici d’imputer le sang versé depuis Abel sur tel ou tel homme en particulier, contemporain de Yéchoua’. La Loi décrète clairement que chacun mourra pour son propre péché. Ce qui est mis en exergue est plutôt la justice rendue pour tout le sang innocent qui a coulé jusque-là. Ces hommes paieront pour leurs fautes semblables à celles commises par leurs ancêtres. Mais ce que le contexte de ce passage souligne en arrière-plan, c’est le prix que va payer Yéchoua’ lui-même pour tous les crimes de l’humanité, y compris celui contre Abel.

L’évangéliste Luc (11.51), de même que Matthieu (cité plus haut), évoque en réalité en filigrane, la rédemption par Yéchoua’ comme de nature à payer d’une certaine façon pour tout le sang innocent versé depuis la mort d’Abel jusqu’à celle de Zacharie.

Le sang d’Abel versé par Caïn a-t-il alors une signification plus grande et prophétique, au-delà du récit de la Genèse ? Ce peut-il qu’il soit en quelque sorte l’une de ces « miettes » semées pour nous permettre de faire un pas de plus vers le Machia’h, le rédempteur d’Israël et de l’humanité ?

L’auteur de la lettre aux Hébreux — les Juifs messianiques de son temps — évoque la foi d’Abel comme un exemple qui parle encore de nos jours.

C’est par la foi qu’Abel offrit à Dieu un sacrifice de plus grande valeur que celui de Caïn ; par elle, il lui fut rendu le témoignage qu’il était juste, Dieu lui-même rendant témoignage à ses offrandes ; par elle, quoique mort, il parle encore. Hébreux 11.4.

En prélude au meurtre de son frère se déroule un incident qui a son importance. L’un et l’autre présentent une offrande à Dieu. Abel offre les premiers-nés de son bétail avec la graisse. De son côté, Caïn présente à Dieu des produits de son champ, sans qu’il soit indiqué la nature exacte de ceux-ci.

Le Midrash précise toutefois qu’il ne s’agissait pas des prémisses, mais de fruits ou céréales quelconques, pas nécessairement le « meilleur » de sa production.

Contrairement à l’holocauste offert par Abel, Caïn et son offrande n’ont pas trouvé grâce aux yeux de l’Éternel. En est-il né une inimitié, une jalousie ? Cette différence d’appréciation est-elle à l’origine de leur conflit et finalement de l’assassinat d’Abel par son frère ? Difficile d’aboutir à une certitude sur ce point. 

Nous relevons seulement que c’est par la foi qu’Abel offrit un sacrifice plus excellent que celui de Caïn.

La tradition chrétienne établit en général une connexion entre le sacrifice sanglant d’Abel et celui du Messie Yéchoua’, une préfiguration du second donnant une valeur plus grande à l’offrande de l’un par rapport à l’autre. Or rien n’indique que l’offrande de Caïn de produits végétaux soit de moindre valeur ou inacceptable devant le Seigneur.

Les deux frères n’étaient pas dans un concours de la « meilleure » offrande. Les deux étaient recevables par Dieu et susceptibles de lui être agréables.

Ce qui rend en définitive l’offrande d’Abel « agréable », c’est qu’elle a été offerte avec la « foi », contrairement à celle de Caïn.

Peut-être Caïn avait-il perçu son offrande à lui comme LE « moyen » de rendre Dieu agréable, tandis que celle-ci ne devait être en réalité que l’expression « visible » de SA foi dans celui qui est « invisible ».

Nous savons, par un autre témoignage, que les œuvres de Caïn étaient mauvaises, désagréables à Dieu. Celui-ci ne le condamne donc pas forcément à cause de son offrande. Il l’invite plutôt à la repentance et à mettre en cohérence sa foi et l’offrande qu’il offre à Dieu en témoignage de celle-ci.

Ainsi donc, la foi révèle « l’invisible » et le sang d’Abel parle aujourd’hui encore parce que celui-ci a été déclaré juste par Dieu en raison de sa foi. Il est ainsi le premier juste à mourir pour sa foi. Il préfigure le sacrifice du Messie qui donnera sa vie pour racheter son peuple. Hébreux 12.24.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Caïn, condamné par Dieu, est maudit dans son activité, tout comme Adam. La culture de la terre est maudite. Est-ce la conséquence du sang de son frère « bue » par la poussière du sol ?… Il quitte le jardin et s’établit à Nod en Orient, un lieu d’errance et de vagabondage. Une situation qui ne se prête pas à ce qui était jusque-là son activité principale, l’agriculture. Est-ce là le signe d’un renoncement contraint à toute prétention de plaire à Dieu par le fruit de son travail ?…

C’est à ce moment-là que Caïn exprime soudainement ses craintes à Dieu.

Ma faute est trop grande pour être prise en charge. Tu me chasses aujourd’hui de cette terre ; je serai caché, tu ne me verras plus, je serai errant et vagabond sur la terre ; et si quelqu’un me trouve, il me tuera.

On peut aussi traduire par : ma faute est trop grande pour être supportée. Caïn commencerait-il à réaliser la gravité de ses actions mauvaises et exprimerait-il un début de repentir ? Certains le pensent. La séparation d’avec Dieu l’inquiète. Il se sait coupable et digne de mourir pour le meurtre de son frère. Il comprend que sa faute ne peut être expiée — prise en charge — autrement que par sa propre mort.

Comment alors sortir de cette impasse ? Par ailleurs, Caïn craint de croiser un homme qui le tuera. Sauf qu’à ce stade de l’humanité, on ne voit pas trop qui il pourrait rencontrer, à l’exception de ses parents.

Le débat sur une possible « autre » humanité cohabitant avec celle d’Adam est régulièrement posé pour toutes sortes de raisons. L’une d’elles est que le texte ne précise pas l’origine des épouses de Caïn. Et sur un tout autre plan, l’inceste, si sévèrement condamné par la Loi, semble être un chemin obligé pour au moins les deux premières générations de l’humanité. Ces deux sujets sont effectivement difficiles à expliquer sur la seule base de notre récit.

Cependant, et quoi que l’on en pense, l’auteur de la Genèse ne s’embarrasse pas d’explications superflues, son but est tout autre. Le récit des origines est de l’avis de la plupart des commentateurs, juifs comme chrétiens, parfaitement historique. L’absence de détails sur ce qui peut apparaître incohérent dans le texte ne décrédibilise pas forcément celui-ci. Échafauder la thèse de plusieurs humanités à partir de l’absence d’arguments ou de « blancs » dans le texte est un pas que je ne franchirai pas.

Ne perdons pas de vue l’intention divine de nous communiquer dans ce récit une de ces possibles « miettes » qui doit nous faire découvrir le Messie à venir.

Caïn craint pour sa vie, lorsqu’il sera « caché » de la présence de Dieu. La réponse divine n’est pas celle que nous aurions naturellement attendue. Une sentence de mort.

Adam et Ève, en mangeant du fruit défendu, ont connu le péché, la souffrance et la mort, même si cette dernière n’interviendra que bien des années plus tard. La grâce de Dieu leur a donné un « signe », celui du sang versé (voir BI n° 590). Non le leur, mais celui d’un animal innocent, préfiguration de celui qui allait livrer sa vie pour le Salut de l’humanité.

S’agissant de Caïn, le « signe » semble différent. Celui-ci est donné par Dieu lui-même et doit préserver Caïn de celui que l’on désigne comme le « vengeur de sang ». Sans trop nous étendre à ce sujet, la loi indique[2] les dispositions à prendre pour qu’un meurtrier puisse trouver refuge dans l’une des 6 villes choisies du territoire d’Israël. Encore qu’il s’agisse ici uniquement du cas où le meurtrier aurait agi sans préméditation, pour ainsi dire par accident. Après un procès, l’homme était tenu de rester dans la ville « refuge » jusqu’à la mort du souverain sacrificateur. S’il venait à être surpris en dehors des limites de la ville, il était condamné à mort.

À propos de Caïn, les conditions sont quelque peu différentes. Caïn n’a pas tué son frère par « accident ». Mais devant la crainte exprimée par Caïn, la réponse de Dieu résonne une fois de plus comme une grâce, un sursis : Le Seigneur lui dit : alors, si quelqu’un tue Caïn, on le vengera sept fois. Et le Seigneur mit un signe sur Caïn pour que ceux qui le trouveraient ne l’abattent pas.

Le Midrash Rabba interprète le sursis accordé à Caïn — sept fois — comme étant les 7 générations d’hommes jusqu’au déluge. La descendance de Caïn sera alors définitivement anéantie par les eaux dévastatrices. C’est une des hypothèses, mais cela n’explique pas la crainte immédiate de Caïn pour sa propre vie.

Nous avons déjà évoqué le possible repentir de Caïn. Comme pour ses parents, Dieu fait grâce et donne un « signe » protecteur pour permettre à Caïn d’échapper au jugement qui peut l’atteindre à tout moment. Nous ne connaissons pas la nature de ce « signe ». Il doit cependant être visible et reconnaissable par quiconque viendrait croiser la route de Caïn.

Adam et Ève ont porté un vêtement de peau qui en disait long sur le prix payé pour leur Salut. Un « signe » qui devait être comme une empreinte permanente dans leur conscience. On peut imaginer pour Caïn un « signe » remplissant la même fonction. Quoi qu’il ait pu être, celui-ci devait être une sorte de « témoignage » pour Caïn comme pour l’homme amené à le croiser.

Étrangement, l’auteur du récit de la Genèse s’emploie à nous parler encore brièvement de la descendance de Caïn. Notamment de Lémek qui périra sans doute dans les eaux du déluge. Celui-ci s’adresse à ses deux femmes — il semble qu’entre temps on soit passé à la polygamie — et il leur tient un discours plutôt énigmatique.

Lémek dit à ses femmes : Ada et Tsilla, écoutez-moi ! Femmes de Lémek, prêtez l’oreille à ma parole ! J’ai tué un homme pour ma blessure et un enfant pour ma meurtrissure. Si Caïn doit être vengé sept fois, Lémek le sera soixante-dix-sept fois !

Le Midrash, de même que Rachi, une fois encore, tente de lire entre les lignes et de trouver une explication plausible à la parole de Lémek. Ce dernier vient de commettre deux meurtres dont il semble ne pas s’estimer responsable. Ainsi donc, Lémek juge, pour sa défense, recevable — par ses deux épouses ? — qu’il obtienne une « grâce » plus importante que celle accordée par Dieu à Caïn.

Certains commentateurs pensent que si l’on s’en tient à la notion des « générations » épargnées — 7 pour Caïn, 77 pour Lémek — le discours est (avec raison) totalement incohérent. D’autant plus que nous nous trouvons dans la génération qui sera justement détruite par les eaux du déluge.

Pourquoi alors retenir les propos de Lémek dans le récit biblique ?…

Nous trouverons peut-être un élément de réponse dans un texte de la Bessora Tova — l’Évangile.

Alors Pierre vint lui demander : Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il péchera contre moi ? Jusqu’à sept fois ? Yéchoua’ lui dit : je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois. Matthieu 18.22.

Notons que le grec permet aussi de traduire la dernière mention par « soixante-dix-sept fois », comme en Genèse 4. Voilà une correspondance plutôt surprenante que l’on ne saurait écarter aisément. La grâce de Dieu n’a, on le sait, pas de limite et ne s’oppose aucunement à sa justice. Mais s’agissant du pardon entre les hommes, c’est une autre histoire. Et si finalement, l’invitation à pardonner, dans les paroles de Yéchoua’ à Pierre, faisait écho à la grâce faite en son temps par Dieu à Adam, Ève, puis Caïn et bien d’autres ?… Combien de fois pardonnerai-je à mon frère lorsqu’il aura péché contre moi ?… 

L’histoire de Caïn, meurtrier d’Abel, est comme un miroir de nos propres vies. Notre faute est trop grande pour être supportée. Contre toute logique humaine, Dieu a fait grâce à Caïn. Justice a été rendue cependant et le « signe » porté par Caïn dans son errance lui en a rendu témoignage. Il préfigure le « signe » du messie qu’il nous faudra porter pour être bien accueillis par le Seigneur lorsque toutes choses viendront en jugement.

Guy ATHIA


[1] Le Midrash suggère que la « protection » attendue et réclamée par Caïn serait à l’encontre des animaux domestiques ou sauvages qui n’auraient plus de « crainte » et pourraient ainsi devenir l’instrument d’une justice ou d’une vengeance, et s’en prendre à lui dans son errance. Sauf que l’on voit mal les animaux être l’instrument d’une justice liée à la déclaration divine qui précède. L’hypothèse des rabbins tiendrait-elle de ce que de toute évidence, il n’y a pas d’autres hommes (en dehors d’Adam et Ève) susceptibles de croiser Caïn et lui porter atteinte ?…

[2] Nombres 35 et Deutéronome 19. 

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ATHIA Guy

Directeur des publications du Berger d’Israël.

Vice-président de Beit Sar Shalom.

Conférencier et enseignant.

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