Sur les pas du Messie : à la croisée des chemins…

Il est une chose de le « savoir », ou d’en avoir entendu parler, il en est une autre que de le découvrir par soi-même. En général, la Bible ne laisse pas le lecteur sans questions. Elle ne le laisse pas non plus sans réponses. Au-delà du cheminement chronologique d’une histoire qui traverse des milliers d’années, Dieu ne veut pas laisser ignorer que depuis toujours, il a conçu un plan, un projet pour affranchir l’humanité de ses péchés et la délivrer du jugement qui vient.

Égrenant les premiers chapitres de la Torah, nous avons commencé à découvrir quelques indices susceptibles de nous aider à dresser un profil du Messie. C’est ainsi qu’une à une des « miettes » ont été identifiées sur un sentier qui paraît encore long à se dessiner.

Cependant, il arrive quelques fois que chemin faisant, nous aboutissions à un « carrefour » plus important qu’un autre, une « miette spirituelle » incontournable qui nous amène à orienter nos recherches dans une direction plus sûre que jamais.

Le récit qui nous amène à cette réflexion est l’un des plus emblématiques de toute la Bible. Il est aussi sans doute parmi les plus énigmatiques et a fait couler beaucoup d’encre et a alimenté de nombreux midrashim.

La vie du patriarche Abraham a été longue, riche en aventures et ponctuée de nombreuses épreuves. Selon la tradition, Abraham serait passé au creuset de « 10 épreuves » singulières au cours de sa vie. Bien entendu, cette manière de voir est purement arbitraire et une proposition faite a posteriori. Du chapitre 12 au chapitre 25 de la Genèse, il s’écoule un peu plus de 100 ans de la vie d’un homme qui aura grandi dans une relation intime avec son créateur, une relation par ailleurs qualifiée « d’amicale ».

Longtemps, il aura pensé que sa vie avec Dieu et son appel se résumaient à une vie exemplaire, conforme à ce que le Seigneur attendait de lui jour après jour. Au bout de toutes ces années, on aurait pu imaginer pour l’homme de Dieu une fin de vie plutôt « tranquille », une retraite spirituelle pour le moins « reposante ». Il n’en a rien été, du moins pas dans ce que nous rapporte le récit biblique.

Abraham a près de 140 ans quand survient ce que les rabbanim désignent comme la dixième et dernière épreuve du patriarche.

Le récit compte relativement peu de versets — dix-neuf — mais beaucoup de questions émergent rapidement à la surface du texte. Il s’agit d’une expérience de vie incroyable pour l’homme Abraham et probablement aussi pour l’homme Isaac. 

Il semble par ailleurs exclu de ne voir dans cette histoire qu’une simple leçon de foi pour les seuls protagonistes. Dans ce récit, comme dans toute l’Écriture, Dieu a une intention précise qui dépasse le relief des mots. Il veut révéler qui est son Messie.

Je ne peux non plus m’empêcher de penser à cette parole incroyable de Yéchoua’ qui a troublé les pharisiens de son époque et jusqu’à nous aujourd’hui :

Jean 8.56 : Abraham, votre père, a tressailli d’allégresse (à la pensée) de voir mon jour : il l’a vu et il s’est réjoui.

Qu’a-t-il vu ?… En quoi cela l’a-t-il réjoui ?… Mystère ! À moins que justement…

Genèse 22.1 à 19

Après ces évènements, Dieu mit Abraham à l’épreuve et lui dit : Abraham ! Il répondit : Me voici !Dieu dit : Prends donc ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac ; va-t’en dans le pays de Moriya et là, offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je t’indiquerai. Abraham se leva de bon matin, sella son âne et prit avec lui ses deux jeunes serviteurs et son fils Isaac. Il fendit du bois pour l’holocauste et partit pour se rendre à l’endroit que Dieu lui avait indiqué. Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit l’endroit de loin. Alors il dit à ses jeunes serviteurs : Vous, restez ici avec l’âne ; le jeune homme et moi nous irons là–haut pour adorer, puis nous reviendrons auprès de vous. Abraham prit le bois pour l’holocauste, le chargea sur son fils Isaac et prit dans sa main le feu et le couteau. Ils marchèrent tous deux, ensemble. Alors Isaac adressa la parole à son père Abraham et dit : Mon père ! Il (lui) répondit : Me voici, mon fils ! (Isaac) reprit : Voici le feu et le bois ; mais où est l’agneau pour l’holocauste ? Abraham répondit : Mon fils, Dieu va se pourvoir lui–même de l’agneau pour l’holocauste. Et ils marchèrent tous deux, ensemble. Lorsqu’ils furent arrivés à l’endroit que Dieu lui avait indiqué, Abraham y construisit l’autel et disposa le bois. Il ligota son fils Isaac et le mit sur l’autel, par–dessus le bois. Puis Abraham étendit la main et prit le couteau pour égorger son fils. Alors l’ange de l’Éternel l’appela du ciel et dit : Abraham ! Abraham ! Il répondit : Me voici ! L’ange dit : N’étends pas ta main sur le jeune homme et ne lui fais rien ; car j’ai reconnu maintenant que tu crains Dieu et que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique. Abraham leva les yeux et vit par derrière un bélier retenu dans un buisson par les cornes ; alors Abraham alla prendre le bélier et l’offrit en holocauste à la place de son fils. Abraham donna à cet endroit le nom de Adonaï–Yireéh. C’est pourquoi l’on dit aujourd’hui : Sur la montagne de l’Éternel, il sera pourvu. L’ange de l’Éternel appela Abraham une seconde fois du ciel et dit : Je le jure par moi–même, — oracle de l’Éternel ! parce que tu as fait cela, et que tu n’as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions et je multiplierai ta descendance, comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est au bord de la mer. Ta descendance aura le contrôle de ses ennemis. Toutes les nations de la terre se diront bénies par ta descendance, parce que tu as écouté ma voix. Abraham s’en retourna vers ses jeunes serviteurs, puis ils se levèrent pour aller ensemble à Beér–Chéba, car Abraham habitait à Beér–Chéba.

La concision du texte pose de nombreuses questions et ouvre le champ libre à une multitude d’options qui n’ont pas cessé de foisonner depuis des millénaires.

Relevons-en quelques-unes que suscite la lecture rapide de notre texte :

Pourquoi Dieu demande-t-il à Abraham d’offrir en sacrifice son fils Isaac, ce qui concrètement signifie de faire mourir son fils et le brûler en holocauste ?… De toute évidence, il ne s’agit rien de moins que d’un sacrifice humain.

À ce stade, nous pouvons aisément imaginer le trouble du patriarche en recevant la demande divine. Or la loi défend formellement tout sacrifice humain. Je ne citerai qu’un seul passage suffisamment explicite à ce propos :

Lévitique 18.21 : Tu ne livreras aucun de tes descendants pour le faire passer (par le feu) en l’honneur de Molok et tu ne profaneras pas le nom de ton Dieu. Je suis l’Éternel.

La deuxième question que l’on peut légitimement se poser découle de la fin du passage. Au verset 19, seul Abraham redescend de la montagne.

Où donc est passé Isaac ?… Pourquoi ne redescend-il pas avec son père ?…

Le récit de l’Akédah d’Isaac a suscité un nombre éloquent de commentaires plus ou moins connus. Si le monde chrétien y voit en général — mais assez « timidement », il faut en convenir — une allégorie du sacrifice de Yéchoua’ sur la croix, les explications constituent quelque part une réponse un peu « courte » et donnée forcément a posteriori.

Voyons cela plus précisément :

Genèse 22.1 : Après ces évènements, Dieu mit Abraham à l’épreuve et lui dit : Abraham ! Il répondit : Me voici !

Le récit commence par « après ces évènements », mais ne désigne pas explicitement lesquels.

Est-ce seulement une remarque de l’écrivain qui fait ainsi une liaison avec les évènements qui précèdent — à savoir l’alliance avec Abimélè’h, le séjour chez les Philistins ou encore toutes les péripéties avec Agar, Ismaël et la naissance d’Isaac ?… N’est-ce pas un peu vague ?

À moins que l’auteur ne veuille tout simplement marquer une différence notable entre « les évènements » qui précèdent et « l’Évènement » qu’il s’apprête à raconter de manière somme toute très succincte, mais qui est à ses yeux celui qu’il faut absolument retenir.

On peut s’étonner d’ailleurs des raisons d’une si grande sobriété du récit. Pourquoi n’avoir pas donné plus de détails sur les circonstances entourant ce qui allait se dérouler ?…

Quand on constate les multiples spéculations entourant l’acte d’Abraham, on peut être frustré du manque de précisions.

En réalité, le texte a été rédigé à une époque où le questionnement soulevé par cette histoire était tout à fait différent de ce qu’il est à présent.

Cela étant, le premier verset du chapitre 22 ne manque pas d’indiquer la première raison objective de ce qui va se passer — à moins qu’il ne s’agisse déjà d’une lecture interprétative de l’évènement par le rédacteur — ce, là encore, peut-être a posteriori.

Il s’agit donc d’une mise à l’épreuve du patriarche. Abraham ne le sait pas encore, mais il l’interprète au moins ainsi, sans doute quand tout est achevé.

Il faut donc comprendre la demande divine avant tout comme un « test », une manière de voir jusqu’où le patriarche est prêt à obéir et à se soumettre à Dieu.

Pour autant, comment imaginer que le test consiste justement en une épreuve contraire à l’éthique divine ?… Le sacrifice humain est, comme nous l’a confirmé le Lévitique ou le Deutéronome, une « horreur » aux yeux de Dieu.

Notez qu’Abraham, avant d’obéir à l’injonction divine, a dû certainement se poser bien des questions. Or il marchait avec Dieu depuis déjà fort longtemps. On comprendrait mal une obéissance aveugle sans la moindre réticence.

On peut sans doute imaginer de la part du patriarche un cheminement dans sa réflexion et ses émotions qui ont pu l’amener à connaître peut-être, une période de révolte et de doute, de dépression même… puis, un temps plus réfléchi avec des questions et peut-être même un dialogue avec Dieu, des questions avec des réponses… ou l’absence de réponses… Ce qui est aussi en soit une réponse… un « test » ?

S’en est suivi probablement une réflexion quant à sa communication verbale ou non avec Sarah… et surtout avec Isaac lui-même, qui est quand même fortement concerné par « l’épreuve » de son père. 

Gardons toujours à l’esprit qu’au-delà du « test », Dieu veut communiquer quelque chose prophétiquement. Du reste, tous les commentateurs, juifs et chrétiens, abondent en ce sens. Et il convient d’œuvrer pour le discerner nous aussi.

Genèse 22.2 Dieu dit : Prends donc ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac ; va-t’en dans le pays de Moriya et là, offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je t’indiquerai.

Dans ce verset, Dieu qui parle est « Élohim » ; tandis que plus loin, celui qui arrête le geste d’Abraham avec le couteau est un ange de Dieu — dont on va parler plus longuement.

L’expression singulière que Dieu utilise pour désigner Isaac est significative. Certains commentateurs ont suggéré qu’Abraham a eu un dialogue avec Dieu pour aplanir le doute qui aurait pu exister entre le choix d’Ismaël ou d’Isaac.

Bien sûr, les chrétiens verront surtout les qualificatifs « unique » et « que tu aimes » pour corréler le personnage fils d’Abraham avec le « Fils unique de Dieu », le Messie qui doit venir.

Si Abraham a pu avoir un doute sur lequel de ses fils offrir en sacrifice, l’expression elle, ne présente pas de doute. Du reste, Ismaël a très probablement déjà quitté depuis longtemps le clan familial.

Un autre sujet qui a pu faire polémique est l’âge d’Isaac au moment des faits. L’usage du mot « na’har » au verset 5 désigne en effet un « jeune garçon », tout comme les deux jeunes serviteurs du verset 3. Si bien que certains ont imaginé Isaac ayant autour de 12 ou 15 ans. En effet, le récit peut potentiellement être situé peu de temps après les évènements qui précèdent au chapitre 21, comme nous l’avons déjà remarqué.

Mais l’expression peut être relativisée par le fait qu’Abraham avait plus de 100 ans à ce moment-là et qu’il pouvait juger une personne même de 50 ans comme vis-à-vis de lui « jeune » comparativement.

La tradition s’accorde pour donner à Isaac un âge de 30 à 37 ans. Relevant en particulier que l’évènement qui suit immédiatement après l’Akédah est la mort de Sara, à l’âge de 127 ans.

En fin de compte, ce détail peut paraître anecdotique, sauf si l’on considère que l’Akédah d’Isaac est en définitive une vision prophétique de la mort et de la résurrection annoncées du Messie Yéchoua’, justement à un âge semblable.

Un autre point capital à relever au verset 2 et qui n’apparaît pas vraiment dans nos versions françaises est la singularité de l’ordre divin.

À la différence des « ordres » de Dieu qui précèdent dans le récit biblique, l’injonction divine comporte un petit mot qui fait tout une différence.

Va-yomër ka’h na’ êt binkha – Et il dit : Prends « s’il te plait » ou « je t’en prie » ton fils…

Comment interpréter cette formule dans la bouche de Dieu ?… Abraham ne serait-il pas contraint formellement d’obéir à la demande divine ?… Dieu saisirait-il la portée effective et émotionnelle d’une telle demande qu’il en « arrondirait » en quelque sorte les angles ?…

À moins que la demande divine ne soit pas un « ordre » froid et inhumain, mais au contraire, une réponse à l’amour d’Abraham pour son créateur.

À moins qu’il s’y cache aussi le désir divin de communiquer à Abraham le montant de son amour pour l’humanité qui le conduira bien plus tard à offrir aussi son « fils, son unique » pour la rédemption du monde.

Ces hypothèses, en partie conclusives, ne s’opposent pas au texte, mais ouvrent le champ de notre recherche. 

À ce stade, retenons les idées suivantes :

  • Isaac est clairement désigné nominativement.
  • Isaac est considéré par Dieu comme « fils unique » d’Abraham, et donc aussi comme « fils premier-né », et c’est sans aucun doute un point capital pour comprendre le sens du « test ».
  • Dieu sait qu’Abraham aime son fils Isaac. Ce « sacrifice » lui sera donc cher, extrêmement cher.
  • Enfin, l’obéissance d’Abraham est moins une réponse servile, une sorte d’obligation contraignante, qu’une action volontaire en réponse à l’amour du Dieu souverain.

L’expression qui suit : « Va-t’en dans le pays de Moriya » fait en quelque sorte écho à la première parole de la « première épreuve » qu’Abraham a vécue en Genèse 12.1. « Va-t’en de ton pays, de ta patrie… »

Le fameux « Lekh Lékha » se répète ici une seconde fois. Si la première fois, Abraham était invité à quitter son pays et sa famille pour un lieu qu’il ne connaissait pas, ici il en va différemment. Le lieu lui est clairement désigné et il semble déjà le connaître. En effet, Abraham, dans l’épisode de la guerre contre les rois et surtout de la rencontre avec Melchisédek, a traversé la région ainsi nommée (Genèse 14). C’est a posteriori que le territoire est clairement identifié à Jérusalem. 

Le mot « Moriya » contient par ailleurs le nom de Dieu. Il se décompose en effet de deux termes « Mora » qui signifie enseignement et « iya » qui désigne « Dieu ». C’est ainsi que l’on pourrait traduire : le lieu où Dieu enseigne

…et là, offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je t’indiquerai.

L’expression serait plus juste si on disait : « fais-le monter là en holocauste… ».

On retrouve en fait deux fois la même racine « olah » qui signifie « monter vers ».

L’holocauste est une offrande immolée sur le bois de l’autel, puis consumée entièrement par le feu. S’agissant d’un homme, la demande de Dieu aurait certainement noué la gorge et l’estomac de la plupart d’entre nous.

Genèse 22.3 Abraham se leva de bon matin, sella son âne et prit avec lui ses deux jeunes serviteurs et son fils Isaac. Il fendit du bois pour l’holocauste et partit pour se rendre à l’endroit que Dieu lui avait indiqué.

Il semble difficile de faire un récit plus court que celui-là. Aucune émotion ne transparait. Pas de détails inutiles. Juste les faits concrets.

Certains commentateurs ont suggéré qu’Abraham n’avait pas vraiment l’intention d’offrir Isaac en holocauste et qu’il fait donc seulement des préparatifs.

D’autres au contraire affirment qu’il va vraiment faire ce que Dieu lui demande, reste à savoir jusqu’où ?…

Pour l’heure, le récit ne précise rien, pas même de dialogues entre les protagonistes. Pourtant, partir sans l’agneau pour le sacrifice a dû être un détail remarqué.

Genèse 22.4-5. Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit l’endroit de loin. Alors il dit à ses jeunes serviteurs : Vous, restez ici avec l’âne ; le jeune homme et moi nous irons là-haut pour adorer, puis nous reviendrons auprès de vous.

L’expression « troisième jour », ici comme dans beaucoup d’autres textes de la Torah, n’est pas sans rappeler le caractère prophétique du texte. Pour les commentateurs, la mention du « troisième jour » évoque souvent soit la rédemption, soit le jugement, par exemple :

Genèse 42.18 (Joseph s’adresse à ses frères en Égypte)

Le troisième jour, Joseph leur dit : Faites ceci et vous vivrez. Je crains Dieu !

Ou encore :

Exode 19.11 Qu’ils soient prêts pour le troisième jour ; car le troisième jour l’Éternel descendra, aux yeux de tout le peuple, sur le mont Sinaï.

Et encore :

Osée 6.2 Il nous rendra la vie dans deux jours ; Le troisième jour, il nous relèvera, Et nous vivrons devant lui.

Certains commentateurs juifs relient ce dernier passage (d’Osée) à l’Akédah d’Isaac. Sans oublier bien entendu l’évocation de la résurrection de Yéchoua’ le troisième jour :

1 Corinthiens 15.4 Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures.

Que vit ensuite Abraham de si loin qui puisse lui permettre d’identifier l’endroit avec certitude ?…

Les commentateurs sont assez unanimes pour dire qu’Abraham vit la présence de l’Éternel, la chékhina, sous la forme d’une nuée ou d’une colonne de feu, comme (plus tard) dans le désert ou lors de la sortie d’Égypte.

S’adressant à ses serviteurs, Abraham leur indique qu’il compte revenir avec Isaac après avoir offert un holocauste sur la montagne. Se peut-il qu’Abraham mente délibérément aux jeunes gens au sujet de son fils en affirmant qu’il redescendra avec lui après avoir adoré Dieu sur la montagne ?… Tente-t-il de dissiper leurs doutes en voyant le patriarche envisager l’ascension de la montagne sans le moindre animal à offrir ?…

À moins qu’Abraham ne soit convaincu, dès ce moment-là, que la réponse divine consistera à ressusciter Isaac après qu’il ait été mis à mort.

Genèse 22. 6-8 Abraham prit le bois pour l’holocauste, le chargea sur son fils Isaac et prit dans sa main le feu et le couteau. Ils marchèrent tous deux ensemble. Alors Isaac adressa la parole à son père Abraham et dit : Mon père ! Il (lui) répondit : Me voici, mon fils ! (Isaac) reprit : Voici le feu et le bois ; mais où est l’agneau pour l’holocauste ? Abraham répondit : Mon fils, Dieu va se pourvoir lui–même de l’agneau pour l’holocauste. Et ils marchèrent tous deux ensemble.

Cette fois-ci, le voyage se termine sans l’âne. Le bois est chargé par Abraham lui-même sur le dos de son fils Isaac.

Certains y ont vu l’allusion au Machia’h Yéchoua’ qui a porté aussi sur son dos le bois de la croix qui lui servira de supplice.

Il n’y a vraiment que dans cette circonstance particulière où l’objet du sacrifice porte lui-même ce sur quoi il sera supplicié. La similitude avec les circonstances entourant la mort de Yéchoua’ est bien sûr troublante.

Au verset 6 et au verset 8, on retrouve la même périphrase « Ils marchèrent tous deux ensemble ». Le témoignage d’une unité qu’un commentateur juif — Jonathan Ben Ouziel — traduit par « ils montèrent comme un seul ».

Le dialogue entre les deux hommes peut difficilement être plus court. Tout se tient en quelques mots qui traduisent une angoisse contenue et une question d’Isaac que l’on se pose comme lui en écho. Où est l’agneau pour le sacrifice ? 

La réponse d’Abraham ne peut être que prophétique. Isaac la devine sans doute. Abraham l’espère certainement.

C’est que jusque-là, l’adorateur venait avec l’offrande qu’il comptait offrir à l’Éternel. Dans le cas présent, c’est l’Éternel qui pourvoit au sacrifice.

Ce changement de paradigme est au cœur même du récit et amène le lecteur à s’interroger sur le caractère prophétique et incontournable de la « dernière épreuve » d’Abraham.

Au terme de ce chapitre, Abraham n’aura pas seulement surmonté le « test » qui lui était proposé. Il aura complètement changé sa vision du monde pour — d’une certaine manière — épouser celle de Dieu.

C’est peut-être de cette façon qu’il nous faut comprendre les paroles de Yéchoua’ qui disait : Abraham, votre père, a tressailli d’allégresse (à la pensée) de voir mon jour : il l’a vu et il s’est réjoui. (Jean 8. 56)

À nous à présent — imitant la foi du patriarche — de voir ce qu’Abraham a vu sur la montagne…

Les « miettes » sur le sentier ne demandent qu’à être vues. Elles nous amènent à porter notre regard au-delà de l’horizon.

(Suite de l’examen du chapitre 22 de la Genèse dans le n° 596 du Berger d’Israël)

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ATHIA Guy

Directeur des publications du Berger d’Israël.

Vice-président de Beit Sar Shalom.

Conférencier et enseignant.

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