Sur les pas du Messie : Joseph… (Partie 3)

Depuis nos premiers pas en quête des « miettes » indiquant le chemin pour rencontrer le Messie, nous avons découvert, parfois avec surprise, un parcours étonnant des patriarches. Presque tous cheminaient dans des voies dont ils ignoraient tout. C’est à peine s’ils percevaient quelques « lumières » dans le brouillard de leur vie.

Tantôt timidement, d’autres fois avec plus de hardiesse, ils ont cependant obéi, accomplissant rigoureusement le projet divin. Étaient-ils conscients du dessein qui les dépassait ? Percevaient-ils seulement les contours encore flous du Messie qu’ils attendaient ? La plupart n’ont rien vu, ou peut-être seulement de loin ; un peu comme des alpinistes qui voient le sommet qu’ils tentent de rejoindre, mais qui se savent trop éloignés pour l’atteindre eux-mêmes.

L’auteur de la lettre adressée aux Juifs croyant dans le Messie l’exprime en ces mots :

Hébreux 11. 13.

C’est dans la foi qu’ils sont tous morts, sans avoir obtenu les choses promises ; mais ils les ont vues et saluées de loin, reconnaissant qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre.

À chacun de nos pas, nous avons pris conscience avec émerveillement de la grandeur de Dieu qui gardait la maîtrise absolue de son plan, le cap qu’il s’était fixé. Quand bien même les hommes s’égaraient dans toutes sortes de méandres, le scénario divin se déroulait sous nos yeux sans que rien ne semble s’en écarter.

Depuis quelque temps déjà, nous cheminons avec Joseph, le fils de Jacob. Nous accompagnons le jeune homme dans un parcours chaotique où lui-même semble perdre tout contrôle des rênes de sa vie.

Les frères, jaloux du jeune homme — préféré de son père — finissent par fomenter un complot visant à éliminer le faiseur de rêves, le « pseudo prophète ». Au bout du compte, ils vendent leur frère à des marchands madianites et mentent effrontément à leur père, faisant passer la mort de Joseph pour un accident — la rencontre inopportune avec une bête sauvage.

Nous comprenons en filigrane de cette épouvantable histoire le message prophétique indiquant fondamentalement les raisons du rejet du Messie à venir. En effet, celui-ci sera rejeté en sa qualité de prophète — au travers des rêves étranges et irrecevables de Joseph — et en sa qualité de roi — allusion au sens symbolique de la robe à rayures multicolores dont Joseph sera dépouillé.

Cela étant, nous n’avons pas le sentiment que Joseph, ses frères ou même Jacob aient conscience de ce qui se trame en arrière-plan de leurs vies en pointillés. Tout leur échappe ou presque. Le caractère prophétique et messianique de notre récit s’inscrit par-delà leur propre perception de tout ce qui leur arrive.

Comme souvent, c’est a posteriori que nous réalisons le sens de ce que nous vivons. Ce qui, en l’occurrence, ne sera pas forcément le cas des hommes de notre récit.

Joseph ne prophétise pas à proprement parler. Il n’est pas appelé à cela et ne revendique pas un appel ou une fonction de cette nature. C’est sa vie elle-même qui constitue le modèle typologique du Messie souffrant que les rabbins ont cru discerner.

Pour autant, Joseph a connu plusieurs épisodes où des rêves interviennent. Dans sa prime jeunesse, il a lui-même deux rêves qu’il raconte à ses frères et même à son père. Nous allons y revenir. Puis viendront, bien plus tard, les rêves de l’échanson et du panetier dont il donnera une juste interprétation. Enfin, il y a le double rêve du pharaon qui permettra à Joseph d’accéder à un rang inimaginable.

Si l’on considère la vie mouvementée de Joseph, ces trois séquences de rêves personnels ou expliqués constituent, en définitive, une expérience de « prophète » relativement modeste. Même si Joseph, à un moment donné, perçoit intuitivement le plan divin en rapport avec ses rêves d’adolescent, l’homme, devenu premier intendant du royaume d’Égypte, n’a pas du tout de vision messianique en rapport avec tout ce qui le concerne.

Il en va différemment de nous, lecteur des Écritures au 21e siècle. Le postulat messianique que nous présentent la plupart des commentateurs juifs de la Torah ne tient pas dans les propos supposés prophétiques de Joseph, mais dans chacun des épisodes de sa vie qui nous sont rapportés.

Il y a toutefois une exception possible dans les rêves du jeune Joseph. Ces derniers sont assez aisément interprétables, mais pas nécessairement dans le fil historique que nous découvrons.

Genèse 37. 5-11.

5 Joseph, ayant eu un songe, le conta à ses frères et leur haine pour lui s’en accrut encore. 6 II leur dit : « Écoutez, je vous prie, ce songe que j’ai eu. 7 Nous composions des gerbes dans le champ, soudain ma gerbe se dressa ; elle resta debout et les vôtres se rangèrent à l’entour et s’inclinèrent devant la mienne. » 8 Ses frères lui dirent : « Quoi ! Régnerais-tu sur nous ? Deviendrais-tu notre maître ? » Et ils le haïrent plus encore, pour ses songes et pour ses propos. 9 Il eut encore un autre songe et le raconta à ses frères en disant : « J’ai fait encore un songe où j’ai vu le soleil, la lune et onze étoiles se prosterner devant moi. » 10 II le répéta à son père et à ses frères. Son père le blâma et lui dit : « Qu’est-ce qu’un pareil songe ? Eh quoi ! Nous viendrions, moi et ta mère et tes frères, nous prosterner à terre à tes pieds ! » 11 Les frères de Joseph le jalousèrent ; mais son père retint l’affaire.

Le premier rêve dont il est question semble se répéter sous une forme un peu différente, comme pour souligner l’importance du message. Nous retrouvons d’ailleurs cette même répétition dans la vision du pharaon plus tard.

Je ne reviendrai pas sur l’apparente naïveté de Joseph qui l’amène à venir raconter ses rêves à ses frères qui ne l’aiment déjà pas et qui le haïront encore plus après le récit de ses songes.

Pour les rêves de Joseph, nul besoin d’être un prophète expérimenté pour en saisir le sens. D’une certaine façon, le jeune homme bouscule la bienséance et nous comprenons aisément qu’il attire les foudres de son entourage. Si Joseph s’était amusé à raconter aujourd’hui ses rêves d’adolescent, on aurait sans doute eu un sourire gêné pour ce garçon un peu niais.

Son père, du reste, le réprimande au verset 10, mais conserve le souvenir de ces événements. Il est vrai qu’il avait eu lui-même bien des révélations de cette manière.

Même si Joseph a l’impudence de raconter ses rêves de « grandeur » devant ses frères et son père, il ne va pas jusqu’à en donner lui-même une explication ou une interprétation.

Bien entendu, quand une vingtaine d’années plus tard, Jacob descendra en Égypte, il ne manquera pas de se prosterner, avec toute sa famille — dont les onze fils de son clan — devant Joseph devenu 1er intendant de toute l’Égypte.

C’est sans aucun doute ainsi que nous devons relier le premier rêve de Joseph à son accomplissement quelques chapitres plus loin. Pour le second rêve, cela semble un peu plus compliqué. En effet, Jacob lui-même s’interroge et glisse des indices qui posent question.

Ainsi, s’agissant du deuxième rêve, nous pouvons nous demander comment les frères de Joseph, mais aussi Jacob et surtout Rachel — la mère de Joseph déjà décédée — peuvent se prosterner devant lui.

Certains ont suggéré que Jacob faisait en réalité allusion non à Rachel (déjà décédée), mais à Léah, sa belle-mère, peut-être encore vivante à ce moment-là.

C’est une hypothèse à considérer, sauf que le texte en hébreu mentionne bien la « mère » et non la « belle-mère ». Par ailleurs, Léah est également décédée en Canaan[1] et ne fait pas partie du voyage avec Jacob, vingt ans plus tard. Elle n’a donc jamais revu Joseph.

Dans quelle circonstance, au verset 10, Jacob imaginait-il alors que la mère de Joseph vienne se prosterner avec toute la famille devant son fils ? Jacob se serait-il fourvoyé en mentionnant la mère de Joseph ? Aurait-il mal compris le sens imagé de la lune au côté du soleil et des onze étoiles du rêve de son fils ?

L’histoire des patriarches nous est livrée bien entendu a posteriori, bien des années après les événements. La perspective prophétique et messianique du récit de Joseph n’échappe probablement pas à l’auteur, même si ce détail à propos de la mère de Joseph semble anecdotique.

En conséquence, je retiendrai qu’il y a là probablement une allusion prophétique à toute la famille d’Israël, Rachel y compris (du moins) après la résurrection, qui se prosternera devant le prince Messie.

À ce stade, la première séquence de rêves propres à Joseph semble relier clairement le Messie souffrant à la famille d’Israël dans un horizon bien plus lointain que les seules retrouvailles du chapitre 45. Quoi qu’il en soit, l’auteur de la Genèse ne juge pas utile de nous éclairer davantage à ce sujet.

Le second épisode de rêves ne concerne pas Joseph lui-même, mais deux hommes proches du pharaon.

Genèse 40.

1 II advint, après ces événements que l’échanson du roi d’Égypte et le panetier offensèrent leur maître, le roi d’Égypte. 2 Pharaon, irrité contre ses deux officiers, le maître échanson et le maître panetier, 3 les fit mettre aux arrêts dans la maison du chef des gardes, dans la Rotonde, le même lieu où Joseph était captif. 4 Le chef des gardes mit Joseph à leur disposition et celui-ci les servit. Ils étaient depuis quelque temps aux arrêts, 5 lorsqu’ils eurent un rêve tous les deux, chacun le sien, la même nuit et chacun selon le sens de son rêve ; l’échanson et le panetier du roi d’Égypte, détenus dans la Rotonde.

Pour l’auteur de notre récit, il ne fait pas de doute que le rêve de l’échanson, comme celui du panetier durant la même nuit, ne doivent rien au hasard. Si on y ajoute la présence concomitante de Joseph dans le même lieu, il est certain que ces rêves sont d’origine divine. En aucune manière, il ne s’agit de simples circonstances propres à amener ultérieurement Joseph dans la sphère du pouvoir égyptien.

Pour ces deux hommes habitués au luxe du pouvoir, la prison a dû représenter un changement soudain et brutal. Cela étant, l’un et l’autre ont conservé une certaine dignité et Joseph, en tant qu’esclave, est mis à leur disposition pour les servir.

Il peut apparaître assez naturel que chacun de ces hommes ait des rêves en rapport avec leur activité. Le panetier s’occupait quotidiennement de tous les produits de boulangerie de la cour. L’échanson avait la charge des boissons et notamment du vin pour le roi et ses serviteurs. Leurs rêves sont cependant des plus étranges.

6 Joseph, étant venu près d’eux le matin, remarqua qu’ils étaient soucieux. 7 II demanda aux officiers de Pharaon, qui étaient avec lui en prison chez son maître : « Pourquoi votre visage est-il sombre aujourd’hui ? »8 Ils lui répondirent : « Nous avons fait un songe et il n’y a personne pour l’interpréter. » Joseph leur dit : « L’interprétation n’est-elle pas à Dieu ? Dites-les-moi, je vous prie. » 

Le récit biblique ne s’attarde pas sur les conditions de détention de ces prisonniers et il semble presque incongru que Joseph questionne ces hommes sur les raisons de leur mine défaite. Leur incarcération dans la Rotonde n’était-elle pas une raison suffisante pour expliquer leur triste figure ? Il semble pourtant que leurs rêves les aient troublés au point que cela ait été remarquable sur leur visage.

Du temps a passé depuis les premiers rêves du jeune Joseph. Malgré le complot dont il fut la victime, sa foi n’a pas sombré et le contexte idolâtre de l’Égypte ne l’a pas écarté de ses racines et des valeurs de sa famille.

Sa mésaventure chez son premier maître — Potiphar — l’a amené à la prison royale et on imagine aisément le questionnement du jeune homme. Joseph n’a plus eu de rêves à raconter et personne avec qui partager la foi de ses pères.

Aussi, quand le panetier et l’échanson font part à Joseph de ce qui les trouble, ce dernier comprend aussitôt ce que Dieu attend de lui.

Joseph savait que les rêves pouvaient avoir un sens prophétique et être porteur d’un message de la part de Dieu. Sa maigre expérience personnelle, qui plus est aux conséquences désastreuses que l’on sait, aurait dû l’amener à une certaine circonspection. Cela ne semble pas avoir été le cas. En la circonstance, Joseph se métamorphose en interprète des rêves des autres.

L’auteur de la Genèse ne nous livre aucun détail ni aucune explication à l’audace du jeune homme prompt à se proposer d’expliquer les rêves de ces deux dignitaires emprisonnés avec lui. Seul le résultat que l’on va découvrir a réellement de l’importance. On peut simplement supposer que partageant la même cellule, Joseph ne risquait plus grand-chose à s’aventurer dans les explications des rêves de ces hommes.

Malgré tout, Joseph s’empresse d’indiquer qu’il n’est pas un devin ou un sorcier païen. Il n’est que le porteur du message divin, du Dieu de ses pères.

9 Le maître échanson raconta son rêve à Joseph, en disant : « Dans mon rêve, une vigne était devant moi. 10 A cette vigne étaient trois pampres (sarments). Or, elle semblait se couvrir de fleurs, ses bourgeons se développaient, ses grappes mûrissaient leurs raisins. 11 J’avais en main la coupe de Pharaon ; je cueillais les raisins, j’en exprimais le jus dans la coupe de Pharaon et je présentais la coupe à la main du roi. » 12 Joseph lui répondit : « En voici l’explication. Les trois pampres, ce sont trois jours. 13 Trois jours encore et Pharaon te fera élargir et il te rétablira dans ton poste ; et tu mettras la coupe de Pharaon dans sa main, comme tu le faisais précédemment en qualité d’échanson. 14 Si tu te souviens de moi lorsque tu seras heureux, rends-moi, de grâce, un bon office : parle de moi à Pharaon et fais-moi sortir de cette demeure. 15 Car j’ai été enlevé, oui, enlevé du pays des Hébreux ; et ici non plus je n’avais rien fait lorsqu’on m’a jeté dans ce cachot. »

L’interprétation du rêve de l’échanson ne semble manifestement pas trop difficile à percevoir pour Joseph. Les trois grappes de raisins représentent trois journées à patienter encore avant que la colère du roi soit apaisée et que ce dernier appelle son serviteur à occuper à nouveau son poste. Le haut dignitaire ne pouvait donc que s’en réjouir.

En livrant son explication, Joseph n’est cependant pas sans arrière-pensées. En effet, il souffre des injustices dont il est victime depuis qu’il a été vendu par ses frères. S’en était-il ouvert à ces hommes partageant la même geôle que lui ? Peut-être. Joseph aspire profondément, lui aussi, à un élargissement de sa condition et à retrouver sa liberté. Espère-t-il retourner à la maison de son père et obtenir justice au sujet de ce que ses frères lui avaient fait subir ? Rien n’est moins sûr. Pour l’heure, Joseph attend de l’échanson un mot en sa faveur auprès du pharaon.

16 Le maître panetier, voyant qu’il avait interprété dans un sens favorable, dit à Joseph : « Pour moi, dans mon songe j’avais trois corbeilles à claire-voie sur la tête. 17 La corbeille supérieure contenait tout ce que mange Pharaon en fait de boulangerie ; et les oiseaux le becquetaient dans la corbeille, au-dessus de ma tête. » 18 Joseph répondit en ces termes : « En voici l’explication. Les trois corbeilles, ce sont trois jours. 19 Trois jours encore et Pharaon te fera trancher la tête et attacher à un gibet ; et les oiseaux viendront becqueter ta chair. » 20 Or, le troisième jour, anniversaire de la naissance de Pharaon, celui-ci donna un banquet à tous ses serviteurs. II porta le maître échanson et le maître panetier sur la liste de ses serviteurs. 21 Il préposa de nouveau le maître échanson à sa boisson et celui-ci présenta la coupe à la main de Pharaon ; 22 et le maître panetier, il le fit pendre, ainsi que l’avait présagé Joseph. 23 Mais le maître échanson ne se souvint plus de Joseph, il l’oublia.

Quoique les deux rêves semblent s’articuler de la même manière, l’issue finale pour le boulanger du pharaon est tout autre. Le panetier devait sans doute trépigner d’impatience, s’attendant à entendre une parole favorable semblable à celle adressée à l’échanson. Mais c’est la déconvenue. Joseph lui annonce sa mort. Et peu importe la manière dont Joseph la lui déclare.

Quelques jours après, Joseph apprend l’accomplissement total des paroles qu’il avait transmises à ses deux anciens codétenus. Il aurait pu probablement s’en réjouir, sauf que l’échanson oublia Joseph et sa demande pressante d’intercéder en sa faveur.

L’histoire aurait pu s’arrêter là, un rêve interprété, une libération, une déception et une plongée dans l’oubli. Or la vie de Joseph, notamment ses rêves ou ceux qu’il interprète, comporte une dimension prophétique qui dépasse l’immédiateté des situations traversées par le jeune homme.

Certes, il faudra attendre encore un peu de temps avant que l’échanson se « souvienne » de sa brève période d’incarcération et de son rêve interprété par Joseph. Bien entendu, cet élargissement lui sera profitable et lui permettra de vivre un destin qu’il n’imaginait pas. Si l’esclave au fond de sa prison formait encore le rêve de sortir de sa situation, il est certain qu’il ne pensait pas devenir un jour le numéro deux du royaume d’Égypte.

Se peut-il que ce récit et ces rêves aient une dimension qui transcende le temps et l’espace pour évoquer le Messie souffrant ? Assurément.

Le fait que les deux dignitaires enfermés dans la prison avec Joseph s’occupent de pain et de vin n’est pas sans rappeler que ces deux éléments ont une signification profonde en rapport avec les sacrifices et le sang versé.

L’interprétation de Joseph est délivrée et doit se réaliser au bout de trois jours. Or pour les commentateurs de la Torah et les prophètes, l’indication de « trois jours » a quasi toujours une signification prophétique en vue de la rédemption.

Pour l’échanson, la coupe de vin bue par le pharaon est symbole du rachat de sa vie au bout des trois jours et par le sang versé d’un sacrifice. Pour le panetier, c’est en revanche la mort qui l’attend, le pain étant le symbole du sacrifice offert pour la rédemption (celle d’un autre ?). Et si Joseph est l’interprète obligé de ces rêves, il en incarne aussi, d’une certaine façon, le message.

Bien entendu, l’illustration prophétique que les rabbins relient au Messie souffrant trouve un écho surprenant dans la vie même de Yéchoua’ qui partagera avec ses disciples le pain et le vin lors de la dernière Pâque avant de mourir sur le bois.

La rédemption de l’humanité passe par la mort et la résurrection de Yéchoua’ au bout de trois jours. Le pain et le vin du Kiddouch sont l’image de ce sacrifice nécessaire accompli par le Messie souffrant.

Et comme pour renforcer encore l’analogie, le texte biblique s’enrichit d’une expression inédite dans toute la Torah. Au chapitre 40, verset 11, nous avons l’expression suivante :

11 J’avais en main la coupe de Pharaon ; je cueillais les raisins, j’en exprimais le jus dans la coupe de Pharaon et je présentais la coupe à la main du roi.

Or en hébreu, le verbe traduit par « exprimer » ou « presser » le jus est en la circonstance inapproprié. Il s’agit de : וָאֶשְׂחַט(va éshat)[2]. Ce verbe signifie en réalité « égorger » ou « immoler » et il n’est associé à des raisins que dans ce verset, tandis qu’il est fréquent en relation avec les sacrifices.

L’usage d’un tel verbe — en ce seul verset dans toute la Torah en rapport avec du raisin — ne peut que souligner le caractère prophétique du passage en liaison avec le Messie souffrant.

Jusqu’à présent, Joseph nous est apparu plutôt comme une victime des circonstances. Sa vie a été une succession de « malchances » et de déconvenues. Même si nous connaissons l’épilogue de l’histoire agitée de cet homme, on se demande comment Dieu arrive à conserver le bon cap dans la tourmente de ses jeunes années. Et pourtant, à ce stade, si Joseph ne se projette pas au-delà de son lendemain, son existence reste cependant fermement tenue par le Dieu tout puissant.

Malgré lui, chacune de ses aventures porte en germe un message qui le dépasse et qui annonce les souffrances et la mort du Messie qui vient. Ses propres rêves, puis ceux de l’échanson et du panetier sont autant de « miettes » sur le chemin, semées pour d’autres que lui.

Le chemin emprunté par Joseph a jusque-là été souvent dans l’ombre, pour lui-même comme pour son entourage et sa famille. Le profil du Messie qu’il incarne est encore flou, drapé dans une nuée qui ne laisse voir que quelques détails de temps en temps, des indices plus palpables pour les lecteurs que nous sommes que pour les protagonistes de notre récit.

Lorsque Joseph sortira enfin de sa prison pour occuper le poste de ministre de pharaon en vue de sauver le peuple de la famine et de la mort, ce sera comme une illumination brutale, une « miette » de choix découverte sur le chemin. Pour Joseph, ce sera le début d’un autre commencement. Et pour nous lecteurs, la découverte de « miettes » prophétiques susceptibles de nourrir toujours plus notre émerveillement…

[1] Genèse 49. 31.

[2] En hébreu, le verbe presser s’écrit avec la lettre samè’h – סָ. Le verbe égorger – שְׁחֲט – s’écrit avec la lettre sin ou chin (même lettre en hébreu qui peut se prononcer « ch » ou « s »). La proximité des deux verbes ne doit bien sûr rien au hasard.

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ATHIA Guy

Directeur des publications du Berger d’Israël.

Vice-président de Beit Sar Shalom.

Conférencier et enseignant.

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